Londres convoque une réunion « Cobra » après l’empoisonnement présumé d’un agent russe du MI6

Le 4 mars, un homme de 66 ans et une jeune femme ont été retrouvés inconscients, sans blessure apparente, sur un banc d’un centre commercial à Salisbury, dans le centre de l’Angleterre. Hospitalisés en soins intensifs dans un état critique, ils sont actuellement traités pour une « exposition à une substance inconnue », d’après la police du Wiltshire.

Simple fait divers, comme il y en a des centaines chaque année dans les journaux? Pas vraiment… Car l’homme en question n’est autre que le colonel Sergueï Skripal, un ancien officier du renseignement militaire russe. Et la jeune femme avec laquelle il a été retrouvé inconscient est sa fille, Youlia.

En 2006, le colonel Skripal fut condamné à 13 ans de prison par la justice russe pour espionnage au profit d’une puissance étrangère. En effet, il avait reçu 100.000 dollars pour livrer au MI6, le service de renseignement extérieur britannique, les noms des agents russes en activité au Royaume-Uni et en Europe. Une façon de rendre la monnaie après l’affaire des Cinq de Cambridge (ou Magnificent Five), durant les années 1960.

Quatre ans plus tard, l’officier fit l’objet d’un échange contre 10 agents russes qui, leur couverture digne de la série télévisée « The Americans  » ayant été découverte, devaient expulsés par les États-Unis. Ce qui s’était rarement vu depuis la fin de la Guerre Froide.

Pour le moment, la priorité de Scotland Yard, qui a pris l’enquête en main, est de déterminer la substance qui a mis le colonel Skripal et sa fille dans cet état grave. D’après la BBC, le laboratoire militaire de Porton Down, située près de Salibusry, a été sollicité. Sans attendre les résultats, la presse britannique a évoqué quelques pistes, comme un empoisonnement au thalium ou au gaz VX (le même qui a été utilisé lors de l’assassinat du demi-frère de Kim Jong-un, le maître de Pyongyang).

D’après les éléments disponibles, Sergueï et Youlia Skripal auraient déjeuné dans une pizzeria et pris un verre dans un pub. Depuis dimanche, ces deux établissements ont été fermés par mesure de précaution.

De son côté, et alors que cette affaire ne manque pas de faire penser à celle de l’empoisonnement au polonium 210 de l’ex-agent russe Alexandre Litvinenko, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, s’en est pris à Moscou lors d’une intervention devant le Parlement.

« Il est clair que la Russie est maintenant à bien des égards une force malfaisante et perturbatrice, et le Royaume-Uni mène le combat à travers le monde pour essayer de contrer cette activité. Si Moscou était derrière le mal dont souffre Skripal, je pense qu’il sera difficile de voir une représentation normale du Royaume-Uni à la Coupe du monde en Russie. On va devoir en discuter », a ainsi affirmé M. Johnson, avant de promettre une réponse « ferme » et « appropriée ».

En tout cas, cette affaire est assez grave pour motiver la convocation d’une réunion « COBR-A » au 70 Whitehall, sous la présidence, comme il se doit, du ministre britannique de l’Intérieur (qui est Amber Rudd).

Normalement, la réunion du comité COBR-A [Cabinet Office Briefing Rooms – A, ndlr] est convoquée uniquement en cas d’urgence nationale. Selon les explications données par le gouvernement britannique, elle devra permettre de faire le point sur l’enquête en cours et d’étudier ses possibles conséquences sur les relations avec la Russie, lesquelles ne sont déjà pas très bonnes.

Depuis plusieurs mois, le renseignement intérieur (MI-5) et le ministère britannique de la Défense (MoD) ne cessent d’alerter sur les activités (et les intentions) russes au Royaume-Uni.

En janvier, le ministre de la Défense, Gavin Williamson, accusa Moscou d’espionner les infrastructures stratégiques britanniques, en vue d’éventuels sabotages. Quelques jours plus tôt, le général Nick Carter, chef de la British Army, avait mis en garde contre la Russie, décrite comme étant « le défi sécuritaire le plus complexe et réel que nous ayons à affronter depuis la Guerre froide. » Et d’avertir : « Nous devons prendre garde à ne pas tomber dans la complaisance, les parallèles avec 1914 sont forts. »

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