Armement : Mme Parly s’interroge au sujet des effets de l’accord gouvernemental allemand sur les coopérations industrielles

Selon plusieurs articles parus récemment dans la presse, et en vertu de leur réglementation ITAR (International trafic in arms regulations), les États-Unis bloqueraient actuellement la vente de missiles de croisières SCALP à l’Égypte, et donc celle d’un lot de 12 avions Rafale supplémentaires. En cause? Une puce électronique de facture américaine qui n’a pas été autorisée par Washington à être vendue au Caire.

Ce genre de mésaventure n’est pas une première. En 2014, la France avait connu un problème identique au moment de conclure la vente de deux satellites aux Émirats arabes unis. Finalement, après des négociations avec l’administration américaine, la situation fut débloquée. Il est probable que le président Macron tentera d’en faire de même avec Donald Trump, à l’occasion de son déplacement aux États-Unis en avril prochain. Ou alors MBDA, qui fabrique le missile SCALP, aura à trouver une autre puce électronique.

Cela étant, un autre problème risque de se poser pour l’industrie française de l’armement, qui a plusieurs accords de coopération au niveau européen, et en particulier avec l’Allemagne.

Au cours de ces quatre dernières années, et avec un ministre de l’Économie [Sigmar Gabriel, ndlr] ayant affiché une politique plus restrictive en matière d’exportations de matériels militaires, certains industriels français ont eu quelques soucis pour honorer des commandes passées par des pays du golfe arabo-persique. Et cela, malgré les accords Debré-Schmidt de 1971 et 1972.

Ces derniers précisent qu' »aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération » et que « chacun des deux gouvernements s’engage à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales les autorisations d’exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur. »

Et pourtant, cela n’a pas empêché Berlin de mettre des bâtons dans les roues de Nexter et de Renault Trucks Defense.

Lors de son audition par la commission de la défense nationale, au titre de l’examen de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), la ministre des Armées, Florence Parly, a défendu la nécessité des coopérations industriels au niveau européen pour le domaine de l’armement.

« Ces projets de coopération sont faits pour, non seulement créer du lien, mais aussi contribuer au regroupement de nos industries. Or aujourd’hui, nos industries de défense nationale sont souvent trop petites par rapport à leurs grands compétiteurs mondiaux. Il y a donc un besoin urgent de consolidation à une échelle européenne », a en effet fait valoir Mme Parly.

« Cette consolidation se fait par le mécanisme des coentreprises. Nous avons une coentreprise britannique qui marche très bien, MBDA ; une coentreprise dans le domaine de la coopération franco-allemande, pour l’armée de terre, KNDS – regroupement de KMW et de Nexter », a ensuite rappelé la ministre, avant de souligner que le prochain char lourd de combat, appelé à succéder au Leclerc et au Leopard 2, sera le fruit d’une coopération entre la France et l’Allemagne. D’autres projets sont en cours (MALE RPAS) ou en projet (système aérien de combat futur).

Pour Mme Parly, ces coopérations industrielles doivent permettre de défier les lois de l’arithmétique car leur objectif, a-t-elle dit, est « qu’un plus un soit supérieur à deux. »

Seulement, il faut aussi prendre en compte les équilibres entre les partenaires. C’est ce qu’avait expliqué le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées, en octobre dernier.

« Sous l’angle industriel, cette coopération [sur l’avion de combat futur, ndlr] est déséquilibrée, en raison des moyens colossaux que ce partenaire [l’Allemagne] engage pour assurer la remontée en puissance de sa base industrielle et technologique de défense », avait-il dit.

En 2025, et si les actes suivent les paroles et les intentions, le budget militaire de la France sera d’environ 50 milliards d’euros alors que celui de l’Allemagne atteindra les 70 milliards [si Berlin suit l’objectif des 2% du PIB défini par l’Otan, ndlr]. « Avec un tel allié, à quoi pourra ressembler notre coopération en matière de défense? Quel en sera l’impact? », a ainsi demandé un député à la ministre.

Sur ce point, Mme Parly n’a pas répondu (du moins, le compte-rendu de son audition ne mentionne pas de réponse de sa part). En revanche, elle a évoqué ses interrogations au sujet des effets qu’aura l’accord de coalition gouvernemental trouvé par le parti de la chancelière Angela Merkel (la CDU/CSU) avec les sociaux-démocrates du SPD.

« Pour pouvoir avancer bien et de façon efficace dans la coopération industrielle franco-allemande, je pense qu’il faut aussi savoir se ménager des capacités d’exportation. Or, […] nous nous interrogeons sur le contenu de l’accord de coalition qui est en cours d’adoption. Il semble en effet que les principes liés à l’exportation des matériels d’armement vont faire l’objet de règles, de contraintes, de garanties importantes », a relevé Mme Parly.

Et cette dernière de conclure : « Et nous savons bien que si nous coopérons sur le plan industriel et que nous n’avons pas la possibilité de vendre ces équipements à d’autres, le modèle économique de ces coopérations ne pourra pas être assuré. C’est un problème que je qualifierais de politique, et qu’il va falloir régler si nous voulons continuer à aller de l’avant dans la coopération franco-allemande. »

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