L’intelligence artificielle fait douter le chef du Pentagone

« Utilisez votre cerveau avant d’utiliser votre arme » car les « 6 pouces [15 cm, ndlr] les plus importants sur le champ de bataille sont entre vos deux oreilles », a dit un jour, à ses hommes, le général James Mattis, l’actuel secrétaire américain à la Défense. Mais que deviendra ce conseil avec l’impact qu’aura l’intelligence artificielle sur les conflits armés?

« La guerre est un caméléon qui change de nature à chaque engagement », estimait le stratégiste allemand Carl von Clausewitz. Pour le général Mattis, interrogé sur l’usage de l’intelligence artificielle par les forces armées, l’essence de la guerre est immuable, « parce qu’humaine ».

« La nature fondamentale de la guerre c’est (…) l’équipement, la technologie, le courage, la compétence, l’intégration des capacités, la peur, la lâcheté, toutes ces choses qui donnent une nature fondamentale de la guerre très imprévisible », a expliqué James Mattis aux journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion le ramenant à Washington, après une réunion des ministres de la Défense de l’Otan, à Bruxelles. En revanche, a-t-il continué, le « caractère de la guerre change tout le temps. Un vieil Allemand défunt [Clausewitz, ndlr] l’appelait un caméléon, car il change pour s’adapter à son temps, à la technologie, au terrain. »

Dans un avenir pas si lointain, et grâce à l’intelligence artificielle, les armes pourront « apprendre seules, s’adapter et s’auto-déclencher », a souligné le chef du Pentagone. Et cela pourrait changer la « nature fondamentale » de la guerre.

« L’arme de notre arsenal la plus mal nommée est l’avion sans pilote : il n’y a peut-être personne dans le cockpit, mais il y a quelqu’un qui le dirige, quelqu’un d’autre derrière son épaule (…) plus ceux qui téléchargent ses informations, ceux qui décident d’y attacher des bombes, des cameras de surveillance », a expliqué M. Mattis. Or, a-t-il poursuivi, si nous arrivons un jour au point ou on est complètement en pilote automatique, nous sommes tous des spectateurs. Cela ne sert plus un objectif politique », sachant qu’un « conflit est un problème social, qui nécessite des solutions sociales, des solutions humaines. »

Aussi, en l’état actuel des choses, M. Mattis a admis qu’il lui était impossible de répondre à la question de l’impact de l’intelligence artificielle sur le conflits armés. « Mais il est certain que je remets en question mon postulat original sur la nature fondamentale de la guerre qui ne changera pas. Aujourd’hui, il faut en douter », a-t-il dit.

Ce point a aussi été récemment évoqué par le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT). Comme M. Mattis, il a avancé, dans l’une des dernières Lettres du CEMAT, que « l’art de la guerre est scandé de mutations » et qu' »ouverture, agilité, réactivité, créativité sont les maitres-mots pour se mettre en situation de les anticiper et de les intégrer. » Cependant, il est essentiel à ses yeux, d’être « à l’avant-garde de l’innovation sans jamais renoncer aux vertus militaires antiques » qui font la force d’une armée.

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