Les exportations allemandes d’armes vers des zones de tension ont atteint un niveau record

Quand il prit les rênes du ministère allemand de l’Économie, en décembre 2013, le social-démocrate Sigmar Gabriel avait été clair : il n’allait plus être question de mener la même politique en matière d’exportations d’équipements militaire qui fut celle de la précédente coalition gouvernementale, formée par les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les libéraux du FDP.

Pour rappel, la ligne suivie jusqu’alors par Berlin limitait (voire interdisait) toute vente d’armes vers des pays en proie à l’instabilité, partie dans un conflit, présentant une menace à la sécurité d’Israël et/ou ne respectant pas les droits de l’Homme. Au cours des années 2008/2013, cette « doctrine » tendit à s’effacer devant des perspectives de juteux contrats avec des pays n’appartenant ni à l’Otan, ni à l’Union européenne.

« Les perspectives (de l’industrie allemande de la défense) ne dépendent pas seulement de l’export, et certainement pas de l’export vers la péninsule arabique », avait ainsi affirmé M. Gabriel, en août 2014. Mais plus encore, Berlin fit ensuite des difficultés à des industriels français de l’armement en bloquant des composants allemands nécessaires à la fabrication de certains matériels. Quitte à remettre en cause les accords Debré/Schmidt de 1971 et de 1972, lesquels précisent qu' »aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération. »

Seulement, les paroles n’ont pas forcément suivi les actes. Selon une enquête de l’ARD, la chaîne publique d’outre-Rhin, le grande coalition CDU/SPD conduite par la chancelière Angela Merkel a approuvé plus de 25,1 milliards d’euros de ventes d’armements depuis son entrée en fonction, il y a quatre ans.

« Cela place l’administration actuelle au-dessus de tout autre gouvernement allemand dans l’histoire moderne », a souligné l’ARD. Mais là ou le bât blesse, c’est que les autorisations délivrées à des pays hors Otan et hors UE ont bondi d’environ 45%, pour atteindre le montant total de 14,49 milliards d’euros, par rapport à la période 2010-2013 (10 milliards). Ces données, fournies par le ministère de l’Économie, ne sont pas encore définitives : ces chiffres pourraient encore augmenter.

Parmi les plus grands clients de l’industrie allemande de l’armement en 2017, l’on trouve l’Algérie (1,36 milliard), l’Égypte (708 millions, +77%), l’Arabie Saoudite (254 millions) et les Émirats arabes unis (213 millions, +25%).

« Il y a quatre ans, le SPD avait promis de se détourner d’une politique d’exportation [d’armes] purement économique. En réalité, les vannes n’ont pas fermées : elles ont été plus largement ouvertes », a commenté Stefan Liebich, un élu du parti « Die Lincke » (gauche radicale).

Cela étant, Frank Haun, le Pdg de Krauss-Maffei Wegmann, l’un des principaux spécialistes allemands de l’armement terrestre, avait bien résumé la situation, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en janvier 2015. « […] En Allemagne, le débat sur les exportations d’armement fait beaucoup de bruit, mais […] in fine et concrètement, il n’en demeure pas moins que par exemple le Qatar et Singapour sont aujourd’hui mes principaux clients export », avait-il lâché.

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