Mer Noire : L’US Navy dénonce l’interception « dangereuse » de l’un de ses avions par un Su-27 russe

Le 29 janvier, un avion de renseignement EP-3E Aries II de la marine américaine, qui effectuait une « mission de routine », a été intercepté par chasseur SU-27 « Flanker » russe alors qu’il se trouvait dans l’espace aérien international, au-dessus de mer Noire, avec son transpondeur allumé.

Il n’y aurait rien à eu à dire de cette interception si le pilote du SU-27 n’avait pas effectué des manoeuvres jugées dangereuses par l’US Navy. Ainsi, l’avion russe aurait « serré » l’EP-3E Aries II en volant à environ 5 pieds (1m50) de ce dernier. Puis, il lui a coupé la trajectoire avant de forcer l’appareil américain à voler dans son sillage. « La durée de l’interception a duré deux heures et quarante minutes », a précisé le capitaine Pamela Kunze, porte-parole de l’U.S. Naval Forces Europe (NAVEUR).

« Les militaires russes ont le droit d’opérer dans l’espace aérien international, mais ils doivent se conformer aux normes internationales établies pour assurer la sécurité et prévenir les incidents, notamment celles entrant dans le cadre de l’Accord de 1972 pour la prévention des incidents sur et en haute mer (INCSEA) », a fait valoir l’US Navy, pour qui ces actions « dangereuses » augmentent le risque « d’erreurs de calcul » et de « collisions. »

Pour rappel, l’accord INCSEA avait été signé par les États-Unis et l’Union soviétique après une série d’incidents en mer ayant impliqué des navires et des avions de ce deux puissances alors rivales.

Approcher d’un avion à 1m50 est sans doute une manoeuvre qui figure dans le manuel des pilotes de chasse russe. En juin 2017, un Su-27 avait réalisé une telle manoeuvre lors de l’interception d’un appareil de renseignement américain RC-135 en mission au-dessus de la mer Baltique.

Cela étant, les interceptions de ce type se sont multipliées depuis 2014 au-dessus de la mer Noire. Comme le 27 novembre dernier. Là, un Su-30 russe avait intercepté un avion de patrouille maritime P8A Poseidon de l’US Navy qui volait dans l’espace aérien international. Le chasseur avait allumé sa post-combustion devant l’appareil américain, provoquant ainsi des turbulences.

La diplomatie américaine a également commenté l’incident du 29 janvier. « Alors que l’avion » de l’US Navy opérait « en vertu du droit international, la partie russe violait de manière flagrante les accords existants et le droit international, en l’occurrence l’Accord de 1972 sur la prévention des incidents sur et en haute mer », a souligné Heather Nauert, la porte-parole du département d’Etat. Et d’ajouter : « C’est un nouvel exemple du mépris de l’armée russe pour les normes et accords internationaux. »

De son côté, le ministère russe de la Défense a démenti les affirmations américaines. « Le vol de l’avion russe Su-27 s’est déroulé dans le strict respect des normes d’utilisation de l’espace aérien, il n’y a eu aucune situation d’urgence », a-t-il indiqué.

Comme celle de la Baltique, la région de la mer Noire est stratégique. Conséquence de l’annexion de la Crimée par la Russie, l’Otan y a accru sa présence en y déployant une force multinationale, en y installant des éléments de sa défense antimissile et en y augmentant les patrouilles navales et aériennes.

La Russie y a quant à elle renforcé ses moyens militaires, avec, par exemple, le déploiement récent, près de Sebastopol d’une seconde batterie de défense aérienne S-400, un système qui permet d’intercepter tout tir ou incursion aérienne dans un rayon de 400 km. La première avait été installée en mars 2017 près de la ville portuaire de Fedossia.

« Le gain de la Crimée, région fréquemment comparée depuis la Seconde Guerre Mondiale à un porte-avions permettant de contrôler tout le bassin pontique, est de nature à accroître très sensiblement les capacités navales en mer Noire, et donc, dans une certaine mesure, en Méditerranée. […] La situation géostratégique privilégiée de la Crimée permet aussi à la Russie de mettre en place une zone A2/AD [anti-accès/déni d’accès] sur la quasi-totalité de la mer Noire en cas de crise », explique la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées.

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