Le Royaume-Uni accuse la Russie d’espionner ses infrastructures stratégiques

À plusieurs reprises, ces derniers mois, des responsables britanniques ont dénoncé les activités de la Russie au Royaume-Uni.

Ainsi, lors d’un entretien inédit donné à la presse, en novembre 2016, Andrew Parker, le patron du contre-espionnage (MI-5), avait insisté sur la présence importante d’agents des services russes en Grande-Bretagne, tout en soulignant la nécessité de prendre en compte « l’avènement de la cyberguerre. » Et de préciser que Moscou visait les « secrets militaires, les projets industriels, l’information économique et la politique du gouvernement britannique ».

Un an plus tard, des universitaires britanniques pointèrent une ingérence russe dans la campagne du référendum portant sur le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), via les réseaux sociaux. Ce que confirma Ciaran Martin, le chef du Centre nationale de cybersécurité (NCSC), selon qui l’activité de la Russie s’était traduite « par des attaques contre les médias britanniques, les télécommunications et le secteur de l’énergie ».

Depuis, la commission du numérique, de la culture, des médias et du sport (DCMS) de la chambre des Communes a ouvert une enquête, laquelle s’intéresse notamment à l’Internet Research Agency, une société qui, basée à Saint-Persbourg, serait liée au renseignement russe.

Toujours en novembre dernier, citant l’annexion « illégale » de la Crimée, les piratages informatiques au Danemark et en Allemagne, les campagnes de cyberespionnage et les ingérences dans les élections des pays occidentaux, Mme le Premier ministre britannique, Theresa May, avait accusé Moscou de « menacer l’ordre international dont nous dépendons tous. » La Russie « cherche à faire de l’information une arme, en déployant ses médias dirigés par l’Etat pour diffuser de fausses informations et des images trafiquées dans le but de semer la discorde en Occident et de saper nos institutions », avait-elle expliqué.

Son nouveau ministre de la Défense, Gavin Williamson, n’est pas en reste. Dans un entretien donné au Daily Telegraph, il a accusé la Russie d’espionner les instrastructures stratégiques du Royaume-Uni en usant d’un ton alarmiste plutôt inhabituel.

Selon lui, la Russie aurait fait des recherches sur les réseaux d’approvisionnement électriques entre la Grande-Bretagne et le continent. « Ce qu’ils [les Russes] cherchent, c’est réfléchir à ‘comment nous pouvons causer beaucoup de mal à la Grande-Bretagne' » en « dégradant son économie, détruisant ses infrastructures, en faisant des milliers et des milliers de morts, et trouver un élément pour provoquer un chaos total au sein du pays », a affirmé M. Williamson.

« Pourquoi continuent-ils à photographier et observer les centrales électriques? Pourquoi observent-ils les interconnections qui apportent l’électricité dans notre pays? », a demandé le ministre britannique. « Ils observent ces points parce qu’ils pensent que ce sont des manières d’attaquer la Grande-Bretagne », a-t-il estimé.

Dans la même veine, le chef d’état-major des armées britanniques, l’Air Chief Marshal Stuart Peach, avait insisté, en décembre, sur le risque de sabotage, par la Russie, des câbles de communication sous-marins, ce qui serait, sur un plan économique « potentiellement catastrophique. »

Les propos de M. Williamson ont été tenus alors que la pression se fait de plus en plus forte sur Philip Hammond, le « Chancelier de l’Échiquier » [ministre des finances, ndlr] pour augmenter le budget des forces armées britanniques. Certaines voix outre-Manche, dont Michael Fallon, le prédécesseur de M. Williamson, estiment que, si le déficit britannique diminue, il faudrait « dégager un milliard de livres supplémentaires (1,14 milliards d’euros) », dès cette année, pour renforcer la Défense et porter les dépenses militaires à 2,5% du PIB.

Le chef d’état-major, le général Nick Carter, s’est aussi employé à faire pression sur M. Hammond, lors d’un discours prononcé devant le Royal United Services Institute (RUSI), le 22 janvier.

La Russie représente « le défi sécuritaire le plus complexe et réel que nous ayons à affronter depuis la Guerre froide » et « nous devons prendre garde à ne pas tomber dans la complaisance, les parallèles avec 1914 sont forts », a déclaré le général Carter.

« Notre génération s’est habituée à choisir ses guerres depuis la fin de la Guerre froide. Mais nous pourrions ne pas avoir le choix d’être en conflit avec la Russie », a encore estimé le chef de la British Army. « Il faut réagir à ces menaces maintenant, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre sans rien faire », a-t-il insisté.

Photo : « Eggborough Power Station »

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