Syrie/Afrin : La coalition jihadiste Hayat Tharir al-Sham s’invite dans l’offensive turque en s’attaquant aux miliciens Kurdes

Au cinquième jour de l’opération « Rameau d’olivier », lancée à Afrin [nord de la Syrie] par la Turquie contre les milices kurdes syriennes [YPG, Unités de protection du peuple], présentes dans la région d’Afrin, le vice-Premier ministre turc, Bekir Bozdag, s’en est pris aux États-Unis, dans un entretien donné à la chaîne de télévision A. Haber, ce 25 janvier.

« Si l’administration américaine ne veut pas faire face à la Turquie – et elle ne le veut pas, d’ailleurs, comme nous – elle doit arrêter de soutenir les terroristes. S’ils veulent être solidaires avec nous, la formule est simple. Ils doivent arrêter de donner des armes aux terroristes du PYD/YPG, doivent récupérer les armes qu’ils ont déjà distribuées, et dire aux terroristes de ne plus combattre la Turquie et de passer à l’Est de l’Euphrate », a lancé le responsable turc.

Or, les miliciens kurdes syriens, qui constituent le gros des troupes des Forces démocratiques syriennes (FDS), ont eu un rôle déterminant dans la défaite de l’État islamique (EI ou Daesh) en Syrie, grâce au soutien de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Seulement, à Ankara, ils sont considérés comme des terroristes, en raison de leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à l’origine d’une insurrection sanglante en Turquie. D’où la « sortie » de M Bozdag contre Washington.

Ce dernier a d’ailleurs assuré que l’opération « Rameau d’olivier » durera jusqu’à ce que « le dernier terroriste soit éliminé », et que « les organisations terroristes soient totalement éradiquées ». Et d’ajouter : « Personne ne peut remettre en question la sincérité ou les décisions de la Turquie dans la lutte contre le terrorisme de Daesh. » Ce qui reste quand même loin d’être évident…

Cela étant, un autre acteur s’est invité à Afrin : la coalition Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dominé par le Front Fatah al-Sham (ex-Front al-Nosra), un groupe qui, s’il a officiellement rompu ses liens avec al-Qaïda, n’en demeure pas moins jihadiste.

Surtout présente dans la province syrienne d’Idleb, laquelle fait l’objet d’une offensive menée par les forces syriennes et russes alors qu’il avait été convenu, avec le Turquie, d’en faire une zone de « désescalade », l’organisation Hayat Tahrir al-Sham a affirmé, le 23 janvier, qu’elle avait attaqué, puis occcupé, des positions tenues par les YPG près du monastère de Saint-Siméon-le-Stylite, dans le sud du canton d’Afrin. Et des affrontements entre les jihadistes et les miliciens kurdes ont également été signalés près de la localité de Darat Izza.

Or, quand l’accord ayant abouti à l’établissement d’une « zone de désescalade » à Idleb a été trouvé entre la Turquie, la Russie et l’Iran, en septembre, des soldats turcs établirent, selon al-Jazeera, des postes d’observation le long d’une ligne de démarcation séparant cette province et le canton d’Afrin. En clair, les forces turques étaient aux première loges pour assister aux combats ayant opposé les YPG et Hayat Tahrir al-Sham…

Qui plus est, en octobre, il fut rapporté que des militaires turcs, alors en mission de reconnaissance dans la province d’Idleb, avaient été escortés par des combattants du groupe Hayat Tahrir al-Sham. Cela « laisse entendre qu’un accord pourrait avoir été conclu entre les deux camps pour prévenir tout affrontement », avait alors estimé France24.

Quoi qu’il en soit, la France a fait part de sa préoccupation au sujet de cette offensive turque à Afrin, par la voix de M. Macron. « En tenant compte des impératifs sécuritaires de la Turquie, le président de la République a exprimé à son homologue turc sa préoccupation suite à l’intervention militaire lancée samedi dans le canton d’Afrine », a en effet indiqué l’Élysée, le 24 janvier.

Aux États-Unis, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, le président Donald Trump « a exhorté la Turquie à réduire et limiter ses actions militaires » et demandé d’éviter « toute action qui risquerait de provoquer un affrontement entre les forces turques et américaines. » Ce qui a été démenti par Ankara, où l’on accuse la Maison Blanche de n’avoir « pas correctement rapporté le contenu » de la conversation entre les deux dirigeants.

Enfin, l’Allemagne, où l’utilisation de chars Leopard 2A4 par les forces turques à Afrin fait débat, a demandé une réunion de l’Otan pour évoquer l’opération « Rameau d’olivier. »

« J’ai demandé au secrétaire général de l’Otan de discuter aussi de la situation en Syrie et dans le nord de ce pays au sein de l’Otan », a fait savoir Sigmar Gabriel, le ministre allemand des Affaires étrangères, via un communiqué.

Photo : Qasioun News Agency, via Wikipedia

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