Pour la première fois depuis 2012, l’US Air Force déploie des avions d’attaque A-10 « Warthog » en Afghanistan

Dans un communiqué diffusé le 14 janvier, le général John Nicholson, qui commande les troupes américaines et la mission de l’Otan « Resolute Support » en Afghanistan, s’est félicité d’un « certain nombre de succès » des forces afghanes face aux taliban, notamment parce que ces derniers n’ont pas été en mesure, l’an passé, de s’emparer d’une capitale provinciale, même temporairement, comme cela fut par exemple le cas à Kunduz, en septembre 2015.

Seulement, tel n’était pas l’objectif affiché par le mouvement taleb afghan lors du lancement de sa traditionnelle offensive de printemps, en avril dernier. Son mot d’ordre était alors « d’employer tous les moyens » à sa disposition « pour une guerre d’usure qui abaisse le moral des envahisseurs étrangers et de leurs milices armées internes [comprendre : les forces de sécurité afghanes, ndlr]. Et il a effectivement infligé de lourdes pertes aux militaires afghans lors de plusieurs attaques d’envergure (Mazar-e-Sharif, Chashmo, etc).

Si les taliban n’ont a priori pas gagné de terrain, ils n’en ont pas perdu non plus. Selon les données du Pentagone, ils contrôleraient toujours 40% du territoire afghan (d’autres sources avancent même 45%), en particulier les zones rurales, les forces afghanes ayant fait le choix de se concentrer sur la protection des centres urbains.

Cela étant, ces derniers sont sous mis sous pression par les insurgés. Même Kaboul n’y échappe pas. « C’est une capitale qui est attaquée par un ennemi déterminé », a admis le général Nicholson, lors d’un entretien accordé à l’émission 60 minutes de CBS News. La récente attaque contre l’hôtel Intercontinental (plus de 20 tués, le 21 janvier) en est l’illustration.

« Dans la capitale afghane, il n’est pas nécessaire d’aller loin pour voir les problèmes. [La ville de] Kaboul est si dangereuse que les diplomates et les soldats américains ne sont pas autorisés à utiliser les routes. […] Ils doivent voler [c’est à dire prendre un hélicoptère] », même pour les trajets de 5 mn, affirme CBS News.

Par ailleurs, dans le communiqué du 14 janvier, le général Nicholson n’a pas évoqué la présence de la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique (EI-K), laquelle gagne en influence, notamment dans la province de Nangarhar.

Une autre donnée à prendre en compte est le nombre de frappes aériennes effectuées par l’aviation américaine. L’an passé, il a atteint un niveau record avec 4.360 munitions délivrées (contre 1.330 en 2016). Du jamais vu depuis 2011. Cela est en partie dû à l’assouplissement des règles d’engagement, lesquelles n’imposent plus aux chasseurs-bombardiers de l’US Air Force d’intervenir seulement pour appuyer les troupes afghanes quand elles sont « au contact » de leurs ennemis.

Dans ce contexte, la nouvelle stratégie américaine pour l’Afghanistan, dévoilée par le président Trump en août dernier, permettra-t-elle aux forces afghanes de reprendre l’initiative?

En tout cas, l’idée est de faire pression sur le Pakistan pour que son territoire ne serve plus de refuge aux taliban afghans et de s’en prendre au mode de financement de ces derniers, lequel repose essentiellement sur la culture de pavot et le trafic d’opium. En novembre, un raid aérien ayant mobilisé des bombardiers B-52 et, pour la première fois sur ce théâtre d’opérations, des avions F-22 Raptor, a détruit des laboratoires de production d’héroïne dans la province du Helmand. Depuis, 30 frappes de plus ont été effectués, ce qui a entraîné une perte de 20 millions de dollars pour le mouvement taleb, l’après l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient.

Pour poursuivre cette stratégie et accroître les capacités dans le domaine de l’appui aérien, l’US Air Force a annoncé le déploiement à Kandahar, de 12 avions d’attaque A-10 Thunderbolt II (ou Warthog). Ces appareils, qui n’avaient été plus vus dans le ciel afghan depuis 2012, appartiennent au 303rd Expeditionary Fighter Squadron. Initialement, ils devaient être envoyés sur la base d’Incirlik, en Turquie, pour prendre part aux opérations anti-jihadistes au Levant. Mais le recul de l’EI a modifié les plans.

Les capacités américaines en matière de renseignement, de surveillance et de reconnaissance ont également été accrue avec l’envoi, également à Kandahar, de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) MQ-9 Reaper. Un hélicoptère HH-60G Pave Hawk complète ce dispositif afin de mener éventuellement des missions SAR (Search & Rescure, recherche et sauvetage). En outre, la base de Bagram compte désormais 18 F-16 (6 avions de plus ont été déployés), des C-130J Hercules et un EC-130H Compass Call pour les missions de guerre électronique.

« Alors que les conseillers américains se rapprochent des lignes de front pour soutenir nos partenaires afghans, cette force aérienne supplémentaire leur donnera l’avantage décisif nécessaire pour avancer en toute confiance », a expliqué le général Jeffrey Harrigian, le chef des opérations aériennes de l’US CENTCOM, au sujet de l’arrivée des A-10 Warthog.

Développé pour anéantir les colonnes blindées du Pacte de Varsovie durant la Guerre Froide, le Fairchild A-10 Thunderbolt II, dont le maintien en service fait débat outre-Atlantique, sur fond de choix budgétaires, s’est révélé lors des opérations de contre-insurrection enn Afghanistan et en Irak, grâce à son redoutable canon Gatling de 30 mm GAU-8 Avenger, capable de tirer 3.900 obus par minute.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]