Les parlementaires britanniques déplorent le manque de transparence sur les coûts de l’avion F-35

Selon ses plans, le Royaume-Uni compte acquérir 138 avions F-35 Lightning II, dont au moins 48 exemplaires de la version STOVL [Short TakeOff/Vertical Landing, ou décollage court et atterrissage vertical]. Pour le moment, seulement 18 appareils ont été acquis et une provision de 3 milliards de livres sterling (soutien initial compris) a été passée, il y a un an, pour 30 exemplaires de plus.

En juillet 2017, le quotidien The Times publia une enquête sur les « coûts cachés » susceptibles de faire grimper de 50% la note relative aux futurs F-35 de la Royal Air Force (RAF) et la Fleet Air Arm. En outre, il fut avancé que le prix unitaire des 18 premiers appareils était de 150 millions de livres sterling (environ 200 millions de dollars au taux de change actuel).

Pour appuyer sa démonstration, The Times avait soulevé plusieurs problèmes susceptibles d’alourdir le coût du programme F-35 de plusieurs centaines de millions de livres sterling supplémentaires. Ces informations ont servi de point de départ à une enquête du Comité de défense de la Chambre des communes (HCDC), dont les conclusions ont été publiées avant la trêve des confiseurs.

Le premier point soulevé par ce rapport est la capacité du F-35 à communiquer les données collectées par ses capteurs à des avions plus anciens et des navires de combat sans dévoiler sa position. Pour le moment, en effet, il utilise la liaison 16, c’est à dire un standard de liaison de données tactiques pour l’échange d’informations tactiques. Seulement, ce mode de communication « peut être détectable et, par conséquent, compromettre » sa « capacité de survie ».

Cela étant, le F-35 peut utiliser un autre système de liaison de données plus sûr, c’est à le MADL (Multi Function Advanced Data Link). Pour transmettre des informations au format de la liaison 16 sans risquer de se faire repérer, il lui faut utiliser une sorte de « passerelle » de communication, appelée « Battlefield Airborne Communications Node » (BACN).

Sans ces équipements, note le rapport, le « Royaume-Uni sapera l’une des principales capacités du F-35 : la seule solution serait de déployer seulement des F-35 (ils peuvent communiquer entre eux de façon secrète et sécurisée) plutôt que des utiliser efficacement comme multiplicateur de force. » Et les acquérir, comme le ministère britannnique de la Défense (MoD) semble en avoir l’intention, fera augmenter les coûts du programme.

Une autre exemple de « coût caché » concerne la bande passante pour les communications à haut débit entre le porte-avions HMS Queen Elizabeth et les F-35B, lesquels collectent et générent énormément de données.

Selon le rapport, la bande passante du HMS Queen Elizabeth est de seulement 8 mégabits  alors que celle du navire d’assaut amphibie américain USS America, qui emporte moins d’appareils, est de 32 mégabits. Et encore, pour l’US Navy, cela risque d’être insuffisant sur la capacité de ce bâtiment à faire face au volume de données générées par le F-35.

« Bien que nous notions que le ministère de la Défense affirme qu’il est possible d’élargir la bande passante actuelle, il semble très probable qu’une capacité supérieure aux 32 mégabits actuellement disponibles sur l’USS America sera nécessaire pour donner une capacité de frappe efficace aux porte-avions » de la classe Queen Elizabeth, ont estimé les députés du comité.

Mais c’est sur la question de l’évaluation des coûts du programme F-35 que ces derniers ont carrément vu rouge dans la mesure où il leur été impossible de l’obtenir de la part du ministère britannique de la Défense.

Le MoD a donné deux explications. « Il n’y a pas d’entreprises privées qui évaluent leurs coûts sur 10 ans avec exactitude » et « dire publiquement nous pensons que nous serions prêts à payer [pour les 17 ou 19 derniers des 48 F-35B attendus] compromettrait manifestement la négociation et donc l’argent des contribuables », a-t-il fait valoir.

Mais pour le comité, cette réponse est « totalement insatisfaisante » car il « s’agit d’un engagement financier à durée indéterminée qui ne peut être quantifié que rétrospectivement. »

« Nous comprenons que le processus d’achat […] rend difficile le calcul du coût total. […] Cependant, il est tout simplement inacceptable que le ministère de la Défense refuse de divulguer au Parlement et au public ses estimations pour le coût total du programme et qu’il suggère plutôt que nous devions attendre le milieu des années 2030 (lorsque les 138 F- 35 auront été achetés) pour être en mesure de calculer un coût unitaire complet », ont dénoncé les députés.

Et d’insister : « Le manque de transparence sur les coûts du F-35 est inacceptable et risque de miner la confiance du public dans le programme. Le ministère devrait nous fournir les ‘ordres de grandeur approximatifs’ qu’il prétend posséder pour les coûts totaux du programme des F-35 au-delà de 2026/7. »

Par ailleurs le HCDC a soulevé un autre problème : celui du logiciel ALIS (Autonomic Logistics information System), sans lequel le F-35 ne peut pas fonctionner.

« ALIS intègre une large gamme de fonctionnalités, y compris les opérations, la maintenance, l’analyse prédictive, la chaîne d’approvisionnement, les services de soutien à la clientèle, la formation et les données techniques. Un environnement d’information unique et sécurisé fournit aux utilisateurs des informations à jour sur l’un de ces domaines en utilisant des applications Web sur un réseau distribué », explique Lockheed-Martin au sujet de ce système.

Outre les risques de piratage et les problèmes techniques potentiels, le gouvernement américain dispose d’une « licence de droits illimités » sur ce logiciel, y compris « compris le droit de distribuer des données techniques à d’ autres pays et à des concurrents » industriels.

Aussi, les députés demandent « à Lockheed Martin de clarifier le niveau de protection en place pour les données techniques collectées par le logiciel ALIS concernant les F-35 britanniques, y compris si ces données relèvent de la ‘licence de droits illimités’ du gouvernement américain. »

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