Comment la Corée du Nord se joue des sanctions votées par les Nations unies

Cette année, après un essai nucléaire et des tirs de missiles balistiques intercontinentaux, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, à l’unanimité et à trois reprises, des sanctions visant les importations et les exportations de la Corée du Nord, en particulier celles concernant le pétrole et les produits pétroliers raffinés.

Ainsi, la résolution votée le 22 décembre, vue comme un « acte de guerre » par Pyongyang, limite les livraisons de brut à 4 millions de barils par an et celles de produits pétroliers raffinés (dont le diesel et le kérosène) à 500.000 barils (contre 2 millions auparavant).

Le 23 septembre, la Chine avait anticipé en annonçant son intention de limiter à deux millions de barils par an ses exportations de produits pétroliers raffinés en direction de la Corée du Nord, dont elle est le plus proche allié.

Seulement, à en croire les chiffres officiels dévoilés par Pékin le 26 décembre, la Chine n’aurait exporté aucun produit pétrolier vers la Corée du Nord au cours du mois de novembre. C’est à dire qu’elle aurait été au-delà des sanctions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies. De telles statistiques ont de quoi intriguer dans la mesure où, jusqu’alors, le gouvernement chinois s’était opposé à un embargo strict sur le pétrole imposé à Pyongyang.

La Chine « ne peut se résoudre à [l’embargo] car il n’est pas sûr qu’elle serait capable d’affronter les conséquences et la réaction en chaîne causée par une rupture des liens avec la Corée du Nord », avait expliqué à l’AFP, fin novembre, Wang Peng, expert de l’université Fudan à Shanghai.

Outre la dimension diplomatique et politique, il y aurait également un aspect technique : une partie des exportations chinoises de pétrole vers la Corée du Nord transitant par « l’oléoduc sino-nord-coréen de l’amitié », ce dernier pourrait difficilement être remis en service si les flux devaient cesser.

Quoi qu’il en soit, les exportations chinoises de produits pétroliers en direction de la Corée du Nord ont donc été officiellement nulles en novembre. Seules les livraisons d’éthanol, qui peut éventuellement servir à produire du biocarburant, ont continué (et elles ont même progressé de 82% si l’on se fie aux données livrées par Pékin).

Officieusement, il en irait tout autrement. Car, d’après des photographies prises par satellite et diffusées par le département du Trésor américain, des navires chinois et nord-coréens se sont retrouvés en mer pour transférer illégalement du pétrole vers la Corée du Nord. Et cela, à au moins 30 reprises depuis octobre. Or, cela est interdit par les résolutions des Nations unies.

« Nous avons des preuves que certains navires engagés dans ces activités sont la propriété de sociétés originaires de plusieurs pays, dont la Chine », a avancé un responsable du département d’État [diplomatie américaine, ndlr].

« Pris LA MAIN DANS LE SAC – très déçu de voir la Chine continuer de livrer du pétrole à la Corée du Nord. Il n’y aura jamais de solution à l’amiable au problème nord-coréen si cela ne s’arrête pas! » a réagi le président Donald Trump, via Twitter.

La Chine n’a pas manqué de répondre. Le porte-parole du ministère chinois de la Défense, Ren Guoqiang, a démenti les informations relatives au transfert de produits pétroliers en mer. « Les autorités chinoises, y compris l’armée, appliquent strictement les résolutions à l’encontre de Pyongyang », a-t-il dit. Et d’insister : « La situation à laquelle vous avez fait référence n’existe absolument pas »

« Faire du battage sans raison via les médias ne contribue pas au renforcement de la confiance mutuelle et de la coopération », a, de son côté, réagi Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères

En écho aux accusations américaines, la Corée du Sud a indiqué, ce 29 décembre, avoir inspecté, un mois plus tôt, le navire hongkongais « Lighthouse Winmore ». Parti du port sud-coréen de Yeosu avec 600 tonnes de produits pétroliers destinées à Taïwan, ce dernier aurait transféré une partie de sa cargaison à plusieurs bâtiments nord-coréens, dont le Sam Jong 2, alors qu’il naviguait en haute mer.

« C’est un cas typique de la façon dont la Corée du Nord contourne astucieusement les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU en utilisant ses réseaux illégaux », a souligné le ministère sud-coréen des Affaires étrangères.

« Le Conseil [de sécurité] a également noté avec une grande inquiétude que la Corée du Nord exporte illicitement du charbon et d’autres articles interdits au moyen de pratiques maritimes trompeuses et obtient illégalement du pétrole au moyen de transferts de bateau à bateau », avait souligné l’ONU, le 22 décembre.

Aussi, la résolution votée le 22 décembre « autorise donc les États membres à saisir, inspecter et confisquer, dans leurs eaux territoriales, tout navire, s’ils ont ‘des motifs raisonnables’ de penser que ledit navire est impliqué dans des activités ou transferts de produits interdits par les résolutions du Conseil. »

Le 28 décembre, le Conseil de sécurité a ajouté sur une liste noire quatre navires nord-coréens soupçonnés de transporter ou d’avoir transporté des marchandises interdites, à savoir les cargos Ul Ji Bong 6, Rung Ra 2, Rye Song Gang 1 et Sam Jong 2.

Les États-Unis auraient voulu inscrire 6 autres bâtiments, dont les pétroliers Lighthouse Winmore et Billions No. 18 (Palau) ainsi que les cargos Xin Sheng Hai (Belize), Kai Xiang (Hong Kong), Yu Yuan (Chine) et Glory Hope 1 (ou Orient Shenyu, Panama). Selon plusieurs sources diplomatiques, le Chine se serait opposée à leur inscription sur cett liste noire.

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