Un rapport fait la lumière sur l’origine des armes utilisées par l’EI

Le mérite du dernier rapport du Conflict Armament Research (CAR, basé au Royaume-Uni) [.pdf] est de documenter ce que l’on pouvait pressentir au sujet de l’origine des armes et des munitions utilisées par l’État islamique (EI ou Daesh) en Syrie et en Irak. Pour cela, les enquêteurs de cet organisme ont étudié pas moins de 40.000 pièces d’armements laissées sur le terrain par l’organisation jihadiste après ses revers face aux forces irakiennes et aux milices kurdes syriennes.

Le premier point est que les armes et munitions utilisées par les jihadistes en Irak ne pas exactement les mêmes que celles examinées en Syrie.

Ainsi, l’origine d’une part importante des armes de l’EI examinées en Irak ont été conçues en Chine, en Hongrie et en Roumanie. En Syrie, a relevé le CAR, les données montrent une tendance différente : « la Russie a fabriqué la plupart des armes, suivie de près par la Chine puis par d’anciens pays du Pacte de Varsovie, aujourd’hui membres de l’Union européenne (Roumanie, Hongrie et Bulgarie). Enfin, le rapport indique également que 2% des armes ont été manufacturées aux États-Unis.

Un second point est que, dans une proportion significative, elles ont été produites par des pays de l’ex-Pacte de Varsovie entre 1960 et 1989. « Cette tendance est vraisemblablement le résultat de transferts effectués pendant la Guerre froide et des transferts de surplus immédiatement après la fin de cette dernière », estime le CAR. Quant aux armes les plus récentes, c’est à dire fabriquées après 2000, elles viennent de Chine, de Bulgarie, de Roumanie et d’Iran.

« Environ 90% des armes et des munitions (97% en Syrie et 87% en Irak) utilisées par l’EI répondent aux normes de l’ex-Pacte de Varsovie et sont originaires principalement de Chine, de Russie et d’Europe de l’Est. Les armes et les munitions de calibre Otan sont beaucoup moins répandues, représentant respectivement 3% et 13% du total », souligne le CAR.

En grande partie, l’arsenal de l’EI a été constitué par le pillage des stocks des forces syriennes et irakiennes, après la prise de bases alors occupées par ces dernières. Ce fut le cas à Mossoul ou encore, plus récemment, à Palmyre où les jihadistes s’emparèrent de 26 chars, de 13 pièces d’artillerie et de 5 systèmes sol-air.

Mais pas seulement. En effet, l’EI a aussi mis la main sur des armes qui avaient été livrées par les États-Unis et l’Arabie saoudite (notamment) à des mouvements hostiles à Bachar el-Assad, comme le Jaysh Al-Nasr, une coalition de groupes rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), ou encore la New Syrian Army.

Le rapport du CAR cite 12 cas où un tel transfert s’est produit, soit à l’issue de combats entre un groupe rebelle et l’EI, soit par un changement d’alliance au sein de l’insurrection syrienne. Ces armes ont été acquises par les États-Unis auprès de pays européens (notamment en Bulgarie, pour des missiles anti-char) pour ensuite livrées à l’opposition syrienne, malgré les clauses interdisant leur réexportation.

« Les éléments recueillis par le CAR montrent que les Etats-Unis ont détourné à plusieurs reprises des armes et des munitions au profit de forces d’opposition dans le conflit syrien. Les forces de l’EI ont obtenu rapidement une part importante de ce matériel », explique le rapport, qui fait la même observation au sujet de l’Arabie Saoudite.

Cela étant, il est à noter que parmi les 40.000 armes étudiées par le CAR, il n’est fait aucune mention des missiles anti-char américains BGM-71 TOW qui, livrés à l’opposition, ont causé de lourds dégâts aux forces syriennes.

Les trafics ont été une autre source d’approvisionnement de Daesh. Ainsi, indique le rapport, il « existe des liens clairs entre les armes étudiées par les enquêteurs [du CAR] en Libye et celles déployées par les combattants de l’EI en Irak et en Syrie. » En outre, des roquettes utilisées par les jihadistes provenaient de lots déjà identifiés au Yémen. Des copies chinoises du fusil américain M-16, initialement livrées au Soudan, ont été retrouvés par les miliciens kurdes à Kobané.

« Cela montre que les armes se dispersent entre des conflits en Afrique et au Moyen-Orient qui ne sont pourtant pas eux-mêmes connectés », estime le rapport.

Par ailleurs, et s’agissant des éléments nécessaires à la fabrication d’engins explosifs improvisés (IED), le CAR explique que l’EI a « établi un réseau d’approvisionnement qui s’étend profondément dans les pays voisins ». Sur ce point, la « Turquie [ou, du moins, des intermédiaires turcs] est apparue comme la principale source de précurseurs d’explosifs chimiques et de matériels auxiliaires. »

Photo : Conflict Armament Research

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