La France veut plus d’informations sur le projet russe de livrer des armes aux forces centrafricaines

Visiblement, le sort de la Centrafrique préoccupe la Russie. Le 12 novembre, Moscou a en effet demandé au Conseil de sécurité des Nations unies une exemption à l’embargo sur les armes imposés à ce pays depuis 2013 afin d’équiper deux bataillons des Forces armées centrafricaines (FACa) en cours de formation.

D’après le plan russe, une première livraison pourrait avoir lieu d’ici quelques jours. Deux autres seraient effectués entre février et avril 2018.

Il est ainsi question de fournir à ces deux bataillons centrafricains (soit 1.300 hommes) 900 pistolets Makarov, 5.200 fusils d’assaut, 140 armes de précision, 840 fusils mitrailleurs, 270 lance-roquettes et 20 armes anti-aériennes dont on voit mal l’utilité pour les FACa dans la mesure où les groupes armés qui sévissent en Centrafrique sont dépourvus d’aviation. En revanche, si jamais, pour une raison ou une autre, elles tombent dans les mains de ces derniers, cela pourrait poser une menace sérieuse pour les hélicoptères de la MINUSCA [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine, ndlr].

En outre, Moscou a également proposé de former et d’entraîner ces deux bataillons centrafricains à l’utilisation de ces armes. Mais pour cela, un accord des Nations unies est nécessaire.

Pour rappel, la mission européenne EUTM RCA contribue déjà à la restauration des FACa. En octobre, le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, avait promis que les premières forces formées par cette dernière seraient déployées d’ici à trois mois malgré l’embargo sur les armes.

D’après des diplomates, la demande russe a été mise sous « procédure de silence », c’est à dire qu’elle sera adoptée si aucun membre du Conseil de sécurité ne se manifeste.

En novembre, la France, particulièrement concernée par la Centrafrique, avait rompu une première « procédure de silence » portant sur le même sujet, en raison de craintes sur le stockage de ces armes ainsi que sur leur suivi. La Russie y avait répondu en assurant que les entrepôts feraient l’objet d’une « sécurité renforcée ».

Ces craintes n’ont pas été dissipées avec la nouvelle initiative russe. D’où la demande d’informations supplémentaires adressées à la Russie par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni.

« Nous avons demandé davantage d’informations sans nous opposer à cette demande », a en effet expliqué un diplomate à l’AFP. « Notre seule demande est que la délégation russe fournisse les numéros de série des armes données au Comité chargé de contrôler l’embargo, comme ça on pourra suivre les armes entrant en Centrafrique », a précisé un responsable américain. « C’est une demande raisonnable et qui souligne l’importance de bien prendre en compte ensemble la protection physique, le contrôle et la sécurité des entrepôts, ainsi que la gestion des armes et munitions remises », a-t-il ajouté.

La situation en Centrafrique reste compliquée, avec la persistance de groupes armés aux alliances changeantes. Ennemis jurés, les seigneurs de guerre Nourredine Adam (chef du Front Populaire pour la renaissance de la Centrafrique – FPRC) et Ali Darass (de l’Union pour la paix en Centrafrique – UPC) ont fini par signer un accord de cessez-le-feu le mois dernier. Désormais alliés, ils combattent des « anti-balakas » du Rassemblement des Républicains, uni à une branche dissidente du FPRC.

« La République Centrafricaine est un pays très riche en ressources, mais il est contrôlé par des criminels qui luttent contre ceux qui tentent de leur ôter leur pouvoir », a ainsi résumé le général espagnol Garcia Blázquez, commandant de l’EUTM RCA.

D’où la décision prise par le Conseil de sécurité de renforcer des effectifs de la MINUSCA, avec 900 Casques bleus supplémentaires.

Quant à l’intérêt que suscite la Centrafrique pour la Russie, il peut sembler surprenant. Sans doute y voit-elle une opportunité économique avec les ressources naturelles de ce pays. « En Angola, en Tanzanie et au Zimbabwe, elle mise sur des investissements miniers, avec en tête les diamants, l’uranium et le platine », avait expliqué, au Point, Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe et chercheur associé à l’IRIS, au sujet des ambitions russes sur le continent africain.

Photo : Soldats centrafricains – (c) OR4 VERDUGO Daniel / EUTM RCA

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