Pour plus d’efficacité, Mme Parly remet de l’ordre dans le Maintien en condition opérationnelle des aéronefs

En opération extérieure, la disponibilité des aéronefs est excellente, notamment grâce à l’abnégation du personnel technique « projeté », lequel ne compte pas ses heures pour que la mission puisse être assurée. Dans ce contexte, l’utilisation intensive de ces appareils « consomme » leur potentiel. Résultat : de retour en France, ils doivent subir de lourdes opérations de maintenance, ce qui a pour conséquence d’engorger les services chargés du Maintien en condition opérationnelle (MCO).

Tel est, par exemple, le cas des Mirage 2000D, intensément sollicités dans le cadre des opérations Chammal et Barkhane. Dans un rapport pour avis rendu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances 2018, le député Jean-Jacques Ferrara précise que, alors que « la trajectoire de vol » de ces appareils était de « 1.000 heures par an contre 250 heures prévues lorsqu’ils étaient déployés sur la BAP [Base aérienne projetée, ndlr] du Levant, nombre d’avions ont épuisé leur potentiel opérationnel et sont stockés dans l’attente de leur reconstitution, l’atelier industriel de l’aéronautique de Clermont-Ferrand, sous la responsabilité du SIAé [Service industriel de l’aéronautique, ndlr] étant submergé par le nombre d’avions à régénérer. »

Mais cela n’est qu’un aspect du problème du MCO aéronautique. Si la disponibilité des aéronefs en opérations est bonne, elle est mauvaise en métropole, pour diverses raisons. Et cela, malgré les réformes conduites au cours de ces dernières années, les différents plans de mesure adoptés selon les circonstances et, surtout, l’investissement consenti, en hausse constante.

Quelques chiffres pour prendre la mesure de la situation, dont tous les chefs d’état-major, sans exception, se plaignent. En métropole, la disponibilité des aéronefs est d’environ 44% (voire de 30% pour certaines flottes, comme celles des Transall C-160) alors les budgets dédiés au MCO ont progressé de 25% en 5 ans pour atteindre actuellement plus de 4 milliards d’euros.

Du coup, les équipages ne peuvent pas s’entraîner comme ils le devraient et si les aéronefs ont du mal à s’envoler, ce n’est pas le cas du coût de l’heure de vol. Par exemple, un heure de vol sur hélicoptère Caracal revient à 34.000 euros, contre 19.000 euros en 2012 (+81%). Le cas des avions de transport C-130 Hercules est encore plus éloquent : leur coût d’heure de vol a augmenté de 150% en 5 ans (de 6.000 à 15.000 euros) alors que leur disponibilité a baissé de 40% durant la même période.

« Payer plus pour voler moins : ce n’est pas précisément une situation à laquelle je me résous », a lancé Florence Parly, Mme le ministre des Armées, lors d’un discours prononcé sur la base aérienne 105 d’Évreux pour présenter les conclusions du rapport commandé à Christian Chabbert, un spécialiste reconnu des questions aéronautiques.

Dans son rapport, ce dernier a constaté de « nombreuses interfaces et coupures inutiles génératrices d’une augmentantion des coûts et de délais » ainsi qu’une « insuffisante responsabilisation des acteurs du MCO aéronautique », chacun ne se voyant comme « une petite partie du problème et donc une petite partie de la solution ». En outre, il a souligné que « les travaux des industriels et des forces n’étaient pas alignés dans une logique de performance. »

D’où les mesures annoncées par Mme Parly, qui s’inscrivent selon deux axes. Le premier est évident : il faut revoir de fond en comble la gouvernance du MCO aéronautique, laquelle, a-t-elle relevé, est « trop complexe, trop segmenté », avec « trop d’acteurs » ayant des « responsabilités trop diluées » et « trop redondantes. »

« Nous devons abandonner la démarche trop consensuelle qui est aujourd’hui la nôtre : elle favorise trop souvent le statu quo et disperse les responsabilités. Elle nous empêche d’appréhender les difficultés, et donc de les résoudre », a estimé Mme Parly.

Ainsi, la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD), créée en 2000, va devenir, à compter du 1er mars 2018, une « Direction de la Maintenance Aéronautique », qui sera placée sous l’autorité directe du chef d’état-major des armées (CEMA). Et elle sera « responsable de la performance du MCO aéronautique ».

Cette DMAé se concentrera sur un nombre restreint d’activités, à plus forte valeur ajoutée. Elle aura à élaborer la stratégie du MCO aéronautique et à piloter les contrats de maintenance. En clair, il lui reviendra de généraliser les contrats de soutiens longs et globaux, avec l’objectif de responsabiliser « de bout en bout » un industriel unique. L’idée est d’éviter de voir plusieurs acteurs (jusqu’à une trentaine pour les hélicoptères Tigre et NH-90) intervenir dans le MCO. « Ce recentrage appelle des ressources humaines adaptées, qui seront notamment fournies par la DGA [Direction générale de l’armement, ndlr] grâce à un plan RH spécifique », explique-t-on au ministère des Armées.

« Pour rénover notre stratégie contractuelle, la DMAé devra disposer de façon stable des compétences de haut niveau qui lui sont nécessaires, sans rester tributaire des aléas des plans annuels de mutation. Un plan de ressources humaines adapté sera donc consolidé avec la DGA et les armées. J’attends en particulier de la DGA, dont l’ADN est la maîtrise d’ouvrage de programmes complexes, qu’elle réalise des efforts particuliers, en mettant à disposition de la DMAé des personnels hautement qualifiés. Je souhaite le dire avec force : le MCO est une tâche aussi noble que la conception d’aéronefs modernes, ou leur pilotage dans la troisième dimension », a précisé Mme Parly.

Une deuxième axe vise à désengager les armées de la logistique aéronautique, hors opérations extérieures. « Pour chaque aéronef, l’ensemble des lots de travaux, étatiques ou privés, devra être regroupé pour en faire une suite ordonnée aboutissant à sa disponibilité. Il s’agit donc bien d’assurer la cohérence et l’optimisation d’ensemble des activités de MCO. En outre, le maître d’œuvre est évidemment le mieux placé pour accéder aux bureaux d’études et appliquer des solutions industrielles de gestion des aléas. Le fonctionnement en plateau, qui regroupe sur un même lieu
les industriels et les forces, permettra un meilleur partage des faits techniques et des solutions de réparation », a précisé Mme le ministre.

Et sur chaque base « hébergeant des activités de MCO aéronautique », il sera mis en place un « guichet logistique, pour optimiser les flux, en assurant notamment l’échange-standard des pièces nécessitant réparation. »

Par ailleurs, la place du SIAé dans le MCO aéronautique ne sera pas remise en cause. « Pour les flottes les plus anciennes, lorsque l’intérêt économique qu’elle suscite chez les industriels s’étiole, l’État peut s’appuyer sur un établissement capable de les entretenir dans la durée en repoussant les frontières de l’obsolescence », a fait valoir Mme Parly. En outre, a-t-elle ajouté, l’existence de ce service permet « de remettre en question dans certains domaines choisis les entreprises privées, qui seraient à défaut placées dans une situation de monopole trop confortable. »

Cependant, une étude sera menée au cours du prochain semestre pour voir s’il est nécessaire de faire évoluer le SIAé pour lui donner plus de latitude en matière d’achats industriels, de partenariats et de ressources humaines. A priori, son statut public ne devrait pas être remis en cause. « Je serai particulièrement attentive à ce que le SIAé continue à être fortement impliqué dans le MCO des programmes militaires modernes, souvent en partenariat avec d’autres maîtres d’œuvre, et que son carnet de commande soit assuré sur le long terme », a promis Mme Parly.

Cette dernière a adopté un ton direct à l’égard des industriels, qui « ont pu décevoir dans les domaines de la maintenance ou de la logistique. Et s’ils ont démontré leur savoir-faire pour la conception et la construction « d’aéronefs extraordinaires […] nous achetons pour voler, pas pour stocker », a lancé Mme Parly.

« Nous avons besoin d’industriels qui se sentent concernés par la disponibilité des aéronefs qu’ils construisent, et avec lesquels nous puissions discuter des difficultés qui surviennent, avec confiance, dans la reconnaissance de la complémentarité de nos compétences. Est-ce trop demander? », a continué Mme le ministre des Armées.

« Mais je suis certaine que vous avez compris que le ‘combat proven’ s’entend dorénavant ‘maintien en condition opérationnelle inclus’ et que votre crédibilité réside aussi dans notre capacité à utiliser les matériels que nous avons acquis auprès de vous », a encore dit Mme Parly à l’adresse des industriels.

Enfin, et ce n’est pas anecdotique, Mme Parly compte sur l’innovation pour améliorer le MCO aéronautique, avec un recours accru aux « technologies intelligentes », comme la robotisation, l’impression 3D, le big data et la fusion de données, ce qui permettra de développer la maintenance prédictive.

« La maintenance et la logistique vont donc être révolutionnées à très brève échéance, tout comme le métier de maintenancier. Les PME et les ETI, au cœur de la démarche d’innovation, doivent être à nos côtés et aux côtés des grands groupes, pour nous maintenir à la pointe de l’innovation et de l’excellence », a estimé Mme Parly.

Photo : Marine nationale

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