Le système américain de défense aérienne Patriot PAC-3 est trop cher pour la Pologne
En avril 2015, le gouvernement polonais libéral-conservateur dirigé par Mme Ewa Kopacz fit part de son intention d’acquérir 50 hélicoptères Caracal auprès d’Airbus Helicopters. Dans le même il indiqua avoir retenu le système américain Patriot PAC-3 (Raytheon) pour moderniser les capacités de défense aérienne de ses forces armées [programme Wisla, ndlr]. Et cela, aux dépens du consortium Eurosam (Thales et MBDA) qui avait proposé une offre basée sur le SAMP/T (Sol-air de moyenne portée/terrestre).
Depuis, la majorité ayant changé en Pologne, avec la victoire du PiS aux élections législatives de 2015, on sait ce qu’il est advenu des négociations sur la vente des 50 hélicoptères Caracal : elles furent brusquement interrompues à l’initiative de Varsovie, au profit de l’américain Sikorsky (filiale de Lockheed-Martin), avec ses S-70 Black Hawk.
Quant au choix du système Patriot PAC-3, il ne fut pas remis en cause, même si le nouveau ministre de la Défense, Antoni Macierewicz, estimait « difficiles » les négociations avec Raytheon. Finalement, une lettre d’intention fut signée avec l’industriel américain en juillet 2016. Il était alors question d’un contrat de 5 milliards d’euros.
Seulement, ce n’est pas ce montant qui figure dans l’avis publié en novembre par la Defense Security Cooperation Agency, c’est à dire l’organisme qui gère les exportations d’armes américaines via le dispositif des « Foreign Military Sales ».
En effet, dans sa recommandation faite au Congrès d’approuver la vente du système Patriot PAC-3 à la Pologne, il y est question d’une somme de 10,5 milliards de dollars, ce qui correspond à la livraion de 4 radars et stations de contrôle, 16 rampes de lancement, 208 missiles intercepteurs MSE (Missile Segment Enhancement) et différents équipements annexes. Soit l’équivalent de 4 systèmes.
Sauf que Varsovie estime que ce serait payer trop cher. « Le coût élevé nous a surpris », a admis Bartosz Kownacki, le secrétaire d’État auprès du ministre polonais de la Défense, lors d’un entretien donné à Defense News. « Le prix est en effet inacceptable pour nous, malgré les importants moyens financiers que nous avons alloués à la modernisation des forces armées polonaises. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser autant d’argent pour l’achat de deux batteries », a-t-il insisté.
Il est vrai que, par rapport à la Roumanie, qui a aussi opté pour le Patriot PAC-3, la facture est salée pour la Pologne. En juillet, la DSCA avait en effet recommandé au Congrès d’accepter la vente aux forces roumaines de 7 systèmes, avec 56 missiles MIM-104E GEM-T [Guidance Enhanced Missile-TBM, ndlr] et 168 MSE (sans oublier les équipements associés) pour 3,9 milliards de dollars. Pourquoi une telle différence?
En premier lieu, la Roumanie a commandé moins d’exemplaires de MSE, qui est la version du missile intercepteur la plus avancée du système Patriot PAC-3. Ensuite, la Pologne a demandé des éléments qui sont encore en cours de développement, comme le système de commande et de conrôle IBCS (Integrated Air and Missile Defense Battle Command System) de Northrop Grumman ou encore un radar ayant une capacité de détection à 360°. Une autre raison tient aux compensations industrielles exigées par Varsovie (50% de la valeur du contrat) alors que Bucarest n’a pas exprimé une telle demande.
Sur ce point, les autorités polonaises ne sont pas satisfaites. « Il y a une entreprise qui a présenté une offre de compensation inacceptable pour nous et des conditions que nous ne pouvons pas accepter », a dit M. Kownacki.
« Nous ne pouvons tout simplement pas accepter de telles conditions financières et nous allons travailler dure pour les réduire, nous allons procéder à une révision ligne par ligne », a encore assuré le responsable polonais auprès de Defense News.
