Les enjeux de la prochaine Loi de programmation militaire : L’armée de l’Air

L’armée de l’Air a dû consentir de gros efforts lors des deux dernières Lois de programmation militaire (LPM). Ce qui s’est traduit par la fermeture de 17 bases aériennes, la suppression de la moitié de ses commandements et de ses directions, une déflation importante de ses effectifs et le décalage de certains programmes majeurs sur lesquels il n’est désormais plus question de transiger.

Résultat : il manque plusieurs milliers d’aviateurs pour que l’armée de l’Air puisse fonctionner correctement, dans un contexte marqué par une forte activité, son contrat opérationnel, tel qu’il avait été fixé par le précédent Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale étant largement dépassé (20 avions de combat projetés, au lieu de 12, sur 4 théâtres extérieurs). Et c’est sans parler de sa mission relative au soutien à l’exportation du Rafale…

« Du fait de la tension sur les effectifs de mécaniciens, un certain nombre d’avions est immobilisé en attente de réparation. Lorsque nous avions élaboré nos plans de déflation, nous avions fait des hypothèses sur le nombre de mécaniciens nécessaires à la maintenance de nos aéronefs. Ces hypothèses se sont révélées trop ambitieuses, par exemple pour le C135 ou l’A400M. Pour le Rafale, nous avions prévu 7 mécaniciens par avion alors qu’en réalité, il en faut 12 », a ainsi expliqué le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA).

En outre, de concessions en retards, l’armée de l’Air ne dispose que d’une autonomie toute relative dans certains domaines. Le général Lanata parle ainsi de « fragilités préoccupantes », notamment pour ce qui concerne le ravitaillement en vol et la surveillance. « Sans les capacités des alliées nous ne pourrions pas conduire nos opérations », a-t-il dit aux sénateurs.

Qui plus est, les aviateurs ont dû consentir de nouveaux efforts quand il s’est agi de trouver les 850 millions d’euros demandés par Bercy, l’été dernier. La modernisation des Mirage 2000D a été reportée, de même que le lancement du standard F4 du Rafale.

Comme l’armée de Terre et la Marine nationale, l’armée de l’Air a plusieurs priorités qui ne peuvent plus attendre, alors que la trajectoire financière de la prochaine LPM, si l’on se base sur le projet de loi de programmation des finances publiques, prévoit une hausse du budget des armées de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022.

La première priorité de l’armée de l’Air est de « réparer le présent » et remédier ainsi à des « déséquilibres organiques préoccupants. » Comme l’a expliqué son chef d’état-major, il s’agira de « chercher à tirer le meilleur parti du dispositif existant en faisant des efforts sur les stocks de rechanges ou de munitions, sur l’entretien programmé pour améliorer la disponibilité, sur les ressources humaines, sur les équipements de mission de nos avions [nacelles de désignation laser, radars, etc] dont l’insuffisance limite beaucoup trop nos capacités opérationnelles. Et cela devrait permettre, croit-il, « d’améliorer les conditions de travail » des aviateurs et de rémédier en partie aux problèmes de fidélisation.

Par ailleurs, l’aviation de combat se trouve actuellement à un « tournant », en raison des tensions importantes qu’elle connaît actuellement. Dans un premier temps, le général Lanata souhaite maintenir son format à 215 avions de chasse, ce qui suppose le remplacement des Mirage 2000C à l’horizon 2023 par des Rafale.

L’effort de modernisation devra être poursuivi, notamment avec le lancement du standard F4 du Rafale « pour faire face à l’évolution des menaces et maintenir ce chasseur au meilleur niveau sur la scène internationale à l’horizon 2025. » Et au vu du temps qu’il faut pour développer un nouvel avion de combat, il faudra songer au remplacement des Mirage 2000D d’ici 2030. Détail important, ce dernier devra être en mesure d’emporter le prochain missile hypersonique dédié à la dissuasion nucléaire.

Puis se posera la question du sucesseur du Rafale. « Compte tenu des durées de développement de ce type de programme, des choix importants et engageants sur l’avenir de l’aviation de combat nous attendent à l’horizon 2020-2022. Les études préparatoires doivent être lancées pour nous permettre d’éclairer ces décisions », a prévenu le général Lanata.

Les avions ravitailleurs étant essentiels à la projection des forces et à la dissuasion nucléaire, le général Lanata en fait un point de vigilance. « J’estime que l’âge excessif de la flotte C135 – plus de 50 ans – expose nos capacités à un risque trop important. L’usage systématique et intensif du ravitaillement en vol dans toutes nos opérations en intervention mais aussi protection et dissuasion, rend la sécurisation de cette capacité incontournable », a-t-il expliqué.

Sur ce point, le CEMAA veut accélérer le calendrier des livraisons et porter à 18 (au lieu de 12) le nombre d’avions ravitailleurs A330 MRTT commandés. C’est « indispensable pour couvrir l’ensemble des besoins de la CNA [composante nucléaire aéroportée, ndlr], de l’aviation de combat et du transport stratégique », a-t-il plaidé.

Toujours dans le domaine des équipements, la Charge universelle de guerre électronique (CUGE) reste essentielle dans la mesure où les Transall C-160 Gabriel seront prochainement retirés du service. La question des drones sera également importante, l’objectif étant de pouvoir les armer. Sur ce point, on ignore si le MALE RPAS, fruit d’une collaboration européenne, aura cette capacité, au regard des polémiques que cela soulève dans la classe politique allemande.

Enfin, la dernière priorité de l’armée de l’Air porter sur ses ressources humaines et la révision à la hausse de son format. « J’estime notre modèle en danger », avertit le général Lanata. Les effectifs sont insuffisants et les déflations de poste opérées ces dernières années ont dégradé les conditions de travail, ce qui pose un gros souci de fidélisation. Et, pour certaines spécialités « pointues », il faut faire avec la concurrence du secteur privé qui, évidemment, offre des rémunérations supérieures.

Seulement, le projet de loi de programmation des finances publiques ne prévoit la création que de 1.500 postes supplémentaires pour les Armées. Et cela, alors qu’il faudra recruter pour le renseignement et le cyber.

« L’effort prévu par la LPFP est important, je le mesure, il est pourtant aujourd’hui inférieur aux besoins exprimés par la ministre des Armées et il va contraindre, en l’état, notre effort de régénération. Nous devrons donc apporter une attention particulière à la reconnaissance des besoins en effectifs sur les plans quantitatif et qualitatif au-delà de l’horizon de la LPFP et à partir de 2023 », a ainsi expliqué le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées (CEMA), lors de son audition à l’Assemblée nationale.

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