La France va revoir ses dispositifs militaires au Sahel et au Levant

Lors de l’Université d’été de la Défense, en septembre, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général François Lecointre, avait prévenu qu’il faudrait « faire des choix entre la régénération nécessaire de nos armées qui sortent d’années très difficiles de contrainte budgétaire accompagnées par le surengagement » ainsi que des « choix de renouvellement et des choix de modulation de nos engagements. »

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, ce 26 novembre, le général Lecointre a précisé son propos. « Si nous obtenons les ressources prévues, nous aurons les moyens de consolider nos armées et de faire face aux engagements.
À condition aussi, c’est ce que j’ai dit à Toulon, que nous soyons capables de moduler nos engagements opérationnels », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « C’est ce que j’ai voulu dire en évoquant la nécessité de retrouver de la marge de manœuvre pour qu’on puisse être prêts si l’imprévisible se produit. »

D’où une révision des dispositifs militaires français au Sahel et au Levant. « Je revisite mes opérations en permanence, je requalifie l’effet que je cherche à produire et ensuite je calibre au plus juste les moyens en fonction de l’effet que le politique nous demande d’obtenir », a expliqué le CEMA.

« En ce qui concerne les OPEX [opérations extérieures], on verra en 2018 si on peut réussir à les moduler dans la contrainte que nous imposent nos ennemis », a dit le général Lecointre.

S’agissant de l’opération Barkhane, qui mobilise actuellement 4.000 militaires dans la bande sahélo-saharienne (BSS), « je vais intensifier le soutien à nos partenaires du G5 Sahel pour qu’ils deviennent plus autonomes (…) en essayant de réduire autant que possible mon empreinte au sol », a indiqué le successeur du général de Villiers.

Pour rappel, le G5 Sahel, qui regroupe le Tchad, le Niger, la Mauritanie, le Mali et le Burkina Faso, a convenu de mettre sur pied une force conjointe pour combattre les groupes jihadistes actifs dans la BSS. Cette dernière vient de conduire sa première opération, avec le soutien de Barkhane. Et tout est loin d’être parfait, notamment au niveau des transmissions.

En tout état de cause, il faudra du temps pour cette force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) soit autonomie. Il lui manque notamment des moyens dans les domaines de la logistique, du renseignement et de l’appui aérien.

Quant à l’Irak et à la Syrie, où la coalition anti-jihadiste restera présente alors que l’État islamique (EI ou Daesh) a perdu la quasi-totalité du territoire qu’il contrôlait depuis 2014 [ce qui ne veut pas dire que sa disparation a disparu, ndlr], des aménagements sont à prévoir.

« Au Levant, où nous sommes très engagés [opération Chammal, ndlr], nous entrons dans une nouvelle phase. Je vais étudier comment rester efficace, mais au moindre coût possible », a déclaré le général Lecointre.

Pour ce qui concerne les moyens, le CEMA a repris les mots du général Georgelin, l’un de ses prédécesseurs. « Les armées françaises ne peuvent pas voyager en première classe avec un billet de seconde », a-t-il dit. « Pour l’instant, on ne s’est pas fait attraper par le contrôleur, mais il est grand temps de se payer un billet de première. Si on y parvient, on aura réussi ce pari ambitieux », a-t-il estimé.

Pour réussir ce pari, et alors que, en septembre, il avait dénoncé « les réflexes de régulation budgétaire sauvages viennent trop souvent, malheureusement, détruire le travail de cohérence qui est effectué dans le cadre de l’élaboration de la loi de programmation militaire et des lois de finances initiales », le général Lecointre n’entend pas croiser le fer avec les services de Bercy.

« Il n’y a pas de gentils et de méchants. Je ne soupçonne pas les fonctionnaires de Bercy de ne pas avoir le sens de l’État chevillé au corps comme les militaires. Je ne leur ferai pas cette injure », a assuré le CEMA. « Mon passage à Matignon m’a confirmé dans cette conviction que la grandeur de notre pays et son rang dans le monde tiennent aussi à sa capacité à contraindre sa dette. Mais la souveraineté a un prix, et la sécurité des Français nous oblige », a-t-il conclu.

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