Fin du « califat » de l’EI : Bagdad ne veut pas crier victoire trop vite

Était-ce à lui de le faire? Toujours est-il que le président iranien, Hassan Rohani, dont le pays a envoyé des troupes en Syrie et soutenu les milices chiites en Irak, a proclamé la « fin de l’État islamique » (EI ou Daesh) à l’occasion d’un discours diffusé en direct par la télévision publique. Le général Qassem Soleimani, chef de l’unité al-Qods, des Gardiens de la Révolution, en a fait de même.

La veille, il est vrai, le président syrien, Bachar el-Assad, lors d’une visite surprise en Russie, avait « constaté avec satisfaction que l’opération des forces armées russes, qui a permis de sauver la Syrie, était arrivé à sa fin de facto », a rapporé le porte-parole de la présidence russe.

Cependant, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, s’est montré plus prudent. Il « l’a un peu corrigé, indiquant que des récidives étaient possibles (…) mais sans pouvoir influer sur l’issue réussie de l’opération dans son ensemble », a précisé ce porte-parole.

En tout cas, l’état-major russe est sur la même ligne que M. Poutine. « La phase active de l’opération militaire en Syrie s’achève. Bien qu’il reste toute une série de problèmes, cette étape arrive à sa conclusion logique », a déclaré, ce 21 novembre, son chef, le général Valéri Guerassimov.

Pour autant, cela ne veut pas dire que la présence russe en Syrie va prendre fin : Moscou continuera de disposer de la base aérienne de Hmeimim, située près de Lattaquiée, et du port militaire de Tartous. En outre, la présence de jihadistes liés à al-Qaïda, dans la province d’Idleb n’a pas été réglée.

Cela étant, la prudence est aussi de mise à Bagdad. Du moins, le Premier ministre, Haider al-Abadi, n’a pas voulu prononcer la défaite définitive de l’EI, même s’il a estimé que l’organisation terroriste « a été chassée d’Irak du point de vue militaire. » La victoire ne sera proclamée qu’une fois « les opérations de nettoyage en cours dans les zones désertiques seront achevées », a-t-il dit.

Ces dernières semaines, l’EI a perdu les deux derniers centres urbains qu’il contrôlait encore en Irak, à savoir al-Qaïm et Rawa. Pour autant, les jihadistes semblent avoir « basculé » vers une « forme insurrectionnelle », a estimé, la semaine passée, l’État-major français.

Sur le terrain, l’activité aérienne de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis a considérablement été réduite. Ainsi, selon le colonel Ryan Dillon, le porte-parole de l’opération Inherent Resolve [nom de la coalition, ndlr], une seule frappe a été effectuée contre Daesh en novembre, contre une cinquantaine par jour, en moyenne, au plus fort de la campagne en cours.

Il est possible que cette unique frappe soit française. Dans son dernier compte-rendu hebdomadaire des opérations, l’État-major des armées, à Paris, a fait état d’un « objectif neutralisé » dans la région d’al-Qaim par un Rafale de l’opération Chammal dans la semaine du 8 au 14 novembre.

Quoi qu’il en soit, le colonel Dillon a souligné que « tout le territoire autrefois contrôlé par l’EI a été quasiment repris » et que « 7,5 millions de personnes ne sont plus sous le contrôle » des jihadistes. Mais cela ne signifie pas pour autant la fin des opérations de la coalition.

« Nous n’allons pas partir tout de suite », a affirmé, la semaine passée, James Mattis, le chef du Pentagone. Le retrait de la coalition est lié aux avancées du « processus de Genève », qui, sous l’égide des Nations unies, doit permettre de trouver une issue politique à la guerre civile syrienne. « Il faut bien faire quelque chose maintenant à propos de ce bazar, et pas seulement s’occuper de l’aspect militaire et dire bonne chance pour le reste », avait-il ajouté.

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