Les difficultés pour former un gouvernement mettent la politique de défense allemande dans le flou

Pour former un nouvelle coalition gouvernementale dominée par les conservateurs de la CDU/CSU (33% des voix aux dernières élections législatives), la chancelière allemande, Angela Merkel, comptait trouver un accord avec le Parti libéral-démocrate (10,7%) et les Verts (8,9%). Les pistes pour arriver à un compromis ne sont pas nombreuses : les sociaux-démocrates du SPD ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas – du moins pour le moment – participer au prochain gouvernement et toute alliance avec l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) reste impensable, tout comme avec Die Linke (extrême-gauche).

Seulement, le 19 novembre, les discussions entre la CDU, le FDP et Les Verts ont tourné court.  » Il vaut mieux ne pas gouverner que mal gouverner », a en effet lancé Christian Lindner, le chef de file des libéraux, pour annoncer la rupture des pourparlers, en soulignant que son parti avait multiplié « les propositions en vue d’un compromis. »

A priori, la politique migratoire de Mme Merkel est l’une des causes de cet échec des discussions : les libéraux voulaient plus de rigueur en la matière avec que les Verts souhaitaient davantage de « générosité ». Mais là n’est pas le seul clivage. D’autres concernent les questions militaires, dont certaines sont susceptibles d’avoir des incidences sur des projets en cours. Et cela aurait été la même chose avec les sociaux-démocrates.

En premier lieu, l’objectif de porter des dépenses militaires à 2% du PIB ne fait pas consensus. Or, Mme Merkel avait réaffirmé cet objectif il y a à peine un an. « Je sais qu’il reste du chemin à parcourir pour parvenir [aux 2 %], et je ne peux pas faire la promesse que nous y parviendrons dans un avenir proche », avait-elle affirmé devant le Bundestag [Chambre basse du Parlement allemand, ndlr]. « Mais nous devons clairement montrer que nous visons cet objectif et que nous voulons l’atteindre », avait-elle ajouté.

Cet objectif des 2% du PIB est « le bon car la Bundeswehr a urgemment besoin de modernisation », expliqua, plus tard, Mme Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense. « L’Allemagne a une économie forte  » et « personne ne comprendrait que cette Allemagne forte ne parvienne pas à remplir cet objectif mesuré alors que d’autres pays à court d’argent se serrent la ceinture » pour l’atteindre, plaida-t-elle.

Sauf que les Verts n’ont jamais voulu entendre parler de cet objectif, pas plus que les sociaux-démocrates. Ces derniers l’avait d’ailleurs clairement remis en cause alors qu’ils participaient à la précédente équipe gouvernementale dirigée par Mme Merkel. Pour eux, il s’agit d’un but « irréaliste ». Et de croire que personne ne voudrait, en Europe, voire une Allemagne avec un budget militaire de 60 milliards d »euros, eu égard au « poids de l’histoire. »

Un autre sujet de désaccord porte sur les exportations d’équipements militaires. Quand le FDP et la CDU/CSU gouvernèrent ensemble, entre 2009 et 2013, Berlin avait assoupli des règles alors très strictes en la matière. Pendant un temps, il fut même question de vendre des chars Leopard 2A7+ à l’Arabie Saoudite, ce qui aurait été inconcevable quelques années plus tôt. En 2013, 62% des 5,8 milliards d’euros de contrats d’armement autorisés par Berlin concernaient des pays n’appartenant ni à l’Otan, ni à l’Union européenne.

L’arrivée du social-démocrate Sigmar Gabriel au ministère de l’Économie marqua le retour à une certaine orthodoxie. « Les considérations sur l’emploi ne doivent pas jouer un rôle déterminant dans les décisions prises par le gouvernement et plus particulièrement par le ministère de l’Économie au sujet des exportations d’armes », affirma-t-il, en août 2014.

Ce raidissement eut d’ailleurs des répercussions sur les contrats remportés à l’exportation (et en particulier auprès des pays du Moyen-Orient) par les industriels français, certains équipements ayant des composants allemands. Et cela, en dépit des accords  » Debré-Schmidt ».

Or, les Verts se sont montrés très fermes sur cette question. Et il en sera de même si Mme Merkel arrive à convaincre les sociaux-démocrates de participer au prochain gouvernement…

Troisième point de désaccord : les drones armés. Cette question intéresse le programme européen MALE RPAS, pour lequel l’Allemagne a réussi à imposer ses vues (notamment pour ce qui concerne la double motorisation). Or, elle divise la classe politique allemande. Si les conservateurs et les libéraux (en principe) n’y sont pas opposés, il en va tout autrement des Verts et des sociaux-démocrates.

En juin, des derniers ont d’ailleurs refusé de voter les crédits nécessaires pour la location de 5 drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) Heron TP auprès du constructeur israélien IAI au motifs qu’ils pouvaient potentiellement être armés. Ce sujet devait être réglé après les élections législatives. Manifestement, il risque de ne pas l’être…

Enfin, la dissuasion nucléaire de l’Otan pourrait être un sujet, étant donné que les Verts allemands plaident pour le désarmement nucléaire mondial. Seulement, conservateurs et libéraux entendent conserver le rôle qu’y tient l’Allemagne en accueillant sur son sol des bombes nucléaires américaines et en mettant à disposition des avions de combat (Panavia Tornado, en l’occurrence). Mais la participation des écologistes aux gouvernements dirigés par le social-démocrate Gerhard Schröder (1998-2005) ne donna lieu à aucune évolution de Berlin à ce sujet.

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