Faute d’accord à l’ONU, les enquêtes sur l’usage d’armes chimiques en Syrie sont à l’arrêt

Le Joint Investigative Mechanism (JIM), c’est à dire le groupe d’experts des Nations unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques chargé d’enquêter sur l’usage d’armes chimiques en Syrie, n’a plus de mandat pour continuer ses activités depuis quelques heures.

Pourtant, deux projets de résolution pour permettre au JIM de poursuivre ses enquêtes étaient sur la table du Conseil de sécurité des Nations unies. Le premier, présenté par les États-Unis, prévoyait de prolonger le mandat des experts d’un an supplémentaire [initialement, il était question de deux ans, ndlr].

Peu avant, le président américain, Donald Trump, avait défendu ce texte en affirmant qu’il s’agissait de « faire en sorte que le régime d’Assad ne puisse plus commettre de meurtres de masse avec des armes chimiques. En clair, il demandait des sanctions contre les responsables du programme syrien d’armes chimiques. Au moment de voter, ce projet de résolution a obtenu 11 voix pour, deux contre (Russie et Bolivie) et deux abstentions (Chine et Égypte).

Étant donné sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, le vote russe a donc été l’équivalent d’un veto. Cela dit, il n’est guère surprenant dans la mesure où Moscou n’a cessé de critiquer, ces dernières semaines, le travail du JIM, après que ce dernier a remis un rapport accusant le régime syrien d’être le responsable de l’attaque chimique commise à Khan Cheikhoun, le 4 avril dernier.

D’où un autre projet de résolution. Ce texte, d’abord présenté par la Russie avant d’être repris par la Bolivie, demandait également une extension d’un an du mandat du JIM mais aussi le « gel » de son rapport sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun. Une requête inacceptable pour les États-Unis et les pays européens membres du Conseil de sécurité. Du coup, il n’a obtenu que quatre votes favorables (Bolivie, Chine, Kazakhstan, Russie).

Cet épisode a donné lieu à nouvelle passe d’armes diplomatique entre les États-Unis et la Russie. La représentante américaine auprès de l’ONU, Nikki Haley, a averti que Washington pourrait, « s’il le faut », frapper de nouveau les bases syriennes, comme cela fut le cas après l’attaque chimique de Khan Cheikhoun.

« Le régime de Bachar Al-Assad doit être clairement prévenu, les Etats-Unis n’acceptent pas l’utilisation d’armes chimiques », a lancé Mme Haley, avant d’estimer que la Russie « a tué le Mécanisme conjoint d’enquête. »

Côté russe, la réponse n’a pas tardé. Le projet américain de résolution « n’était pas proportionné » et la volonté des Occidentaux de dénigrer la Russie « a dépassé l’importance de préserver le mécanisme [d’enquête conjoint] », a rétorqué Vassily Nebenzia, le représentant russe auprès de l’ONU.

« Nous avons besoin d’un mécanisme robuste, qualifié, pour aider à empêcher la prolifération de menaces d’attaques terroristes au gaz dans la région, et vous [les Occidentaux], avez besoin d’une structure qui soit une marionnette pour manipuler l’opinion publique », a ajouté M. Nebenzia. Sur ce point, la Russie a accusé le JIM (par ailleurs soumis aux pressions politiques) d’être partial (sauf quand il met en cause l’État islamique) pour avoir refusé d’analyser des échantillons fournis par le régime syrien. Or, dans une enquête, on se garde d’utiliser des « preuves » fournies par les suspects.

Quoi qu’il en soit, M. Nebenzia a continué dans sa logique, faisant part de « sa profonde déception » au sujet du sort qu’a connu le projet de résolution inspiré par Moscou, allant jusqu’à affirmé que ceux qui ont voté « contre » portent « le poids entier de la responsabilité de l’arrêt de l’opération du JIM ».

« La Russie a échoué à promouvoir la paix en Syrie » en « refusant d’être constructive » sur les textes présentés, a réagi Matthew Rycroft, le représentant britannique auprès de l’ONU. Son homologue français, François Delattre, s’est montré tout aussi sévère. « La France est consternée par ce résultat dû au veto russe », a-t-il dit.

Dans une déclaration publiée ce 17 novembre, le Quai d’Orsay fait part de « la déception de la France » au sujet de « la reconduction du mandat du mécanisme d’enquête conjoint. » Et d’ajouter : « Nous regrettons le veto opposé par la Russie au projet de résolution équilibré et non confrontationnel qui avait été présenté. Il s’agit du 4ème veto de la Russie sur le dossier chimique syrien et du 10ème sur le dossier syrien dans cette enceinte. »

Par ailleurs, la diplomatie française a de nouveau défendu le travail des experts. « Le JIM a fait ses preuves et a démontré son efficacité et son professionnalisme dans ses méthodes d’enquête. La France tient à saluer à cet égard les compétences, l’impartialité constante et le comportement irréprochable du JIM depuis sa création ainsi que de son chef actuel, M. Edmond Mulet, et de son équipe », a-t-elle souligné.

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