Mme Parly ne se risque pas à dire que les Armées échapperont à d’autres annulations « brutales » de crédits

Il a beaucoup été question de l’annulation de 850 millions euros de crédits dans le budget de la mission Défense lors de l’audition de Mme le ministre des Armées, Florence Parly, par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, le 7 novembre.

Pour rappel, ces annulations de crédits, décidées en juillet, ont été l’une des causes de la démission du général Pierre de Villiers de ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA).

C’est Mme Parly qui a évoqué, en premier, cette coupe budgétaire, lors de sa présentation du projet de loi de finances pour 2018. « Il s’agissait d’une contribution nécessaire à la solidarité gouvernementale afin de maîtriser notre déficit public », a-t-elle dit. « Je me suis engagée à ce que la protection et les conditions de vie du soldat en opérations soit préservées et qu’il n’y ait aucun annulation de programme. En accord avec les armées, nous décalerons simplement de quelques mois certains livraisons sans lien direct avec les opérations sur le territoire national ni les opérations extérieures », a-t-elle expliqué.

Sur ce point, on peut nourrir quelques doutes. Difficile de dire, en effet, que le décalage de la rénovation – a minima qui plus est – des Mirage 2000D n’aura pas d’impact à moyen terme. Même chose pour le report de la livraison de 8.000 fusils d’assaut HK416 et de la commande d’un hélicoptère Caracal pour remplacer celui détruit en opération, au Burkina Faso ainsi que celle de 20 Exocet mer-mer 40 (MM40 B3C) pour les FREMM et les frégates de défense aérienne.

« La suppression des 850 millions d’euros à un budget tenu m’a inspiré des doutes sur la suite. J’ai entendu que cette coupe ‘ne perturberait pas la vie quotidienne du soldat’… Cette vie quotidienne, ce n’est pas seulement l’alimentation, le chauffage des bâtiments et le courrier qui arrive à l’heure. C’est aussi, et même surtout, que la mission puisse être conduite. Pour le soldat, cela veut dire qu’il est instruit, entraîné, que ses équipements sont bons, avec l’entretien nécessaire, les pièces de rechange, les munitions. Cela signifie également qu’il soit soigné le mieux possible dans les meilleurs délais. Et quand 850 millions d’euros sont supprimés, ce sont autant de ces éléments indispensables dont l’achat est reporté à plus tard », a estimé le général de Villiers alors qu’il était interrogé par Le Point dans le cadre de la promotion de son livre, « Servir ».

Des doutes sur la suite, les sénateurs en ont… Si cette coupe de 850 millions a été absorbée par le ministère des Armées sans conséquences sur les opérations en cours, comme l’avance Mme Parly, le ministère de l’Action et des Comptes publics ne serait-il pas tenté de remettre le couvert?

« Vous avez habilement démontré que votre ministère avait su s’adapter aux conséquences de cette coupe très brutale. Mais cela ne donne-t-il pas raison à Bercy, qui pourrait être tenté de reproduire une telle coupe l’été prochain ? Quelles en sont les conséquences sur la relation entre l’État et les industriels, ainsi que sur l’équipement des forces? », a ainsi demandé Hélène Conway-Mouret à Mme Parly.

« Tout cela incitera-t-il Bercy à reconduire l’opération? Je l’ignore, mais rien ne se perd, rien ne se crée : ces 420 millions d’euros de programmes décalés se retrouveront l’année prochaine », a répondu Mme le ministre. « Comme on nous demande par ailleurs de limiter le montant des reports de charges d’une année sur l’autre, la contradiction dans les injonctions apparaîtra au grand jour », a-t-elle souligné. Mais, a-t-elle continué « de là à conclure qu’il n’y aura pas d’autres opérations d’annulations brutales, je ne m’y risquerais pas! ».

En attendant, inquiétée par des polémiques sur les conditions de son départ d’Air France et le montant de sa rémunération à la SNCF, Mme Parly se démène pour le dégel de 700 millions d’euros de crédits. En outre, elle doit également trouver 360 millions pour financer les opérations extérieures et intérieures. Cette somme devrait faire l’objet d’un financement interministériel. Mais tant qu’aucune décision allant dans ce sens n’est prise, la fin de gestion pour l’année 2017 s’annonce compliquée.

Pour gagner des arbitrages budgétaires, le poids politique du ministre est une donnée importante. Or, celui de Mme Parly au sein du gouvernement est faible, contrairement à celui dont jouissait son prédécesseur, Jean-Yves Le Drian. Selon un sondage Odoxa, publié il y a quelques jours, seulement 15% des personnes interrogées ont un avis favorable sur elle (et 21% en ont une « mauvaise opinion ». Les autres ne s’étant pas prononcées parce qu’elles ne la connaissent pas suffisamment.

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