Pour le général Lanata, il n’est pas question pour l’armée de l’Air d’aligner moins de 215 avions de combat

Renouvellement des capacités de ravitaillement en vol par l’A330 MRTT « Phénix », modernisation de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, remplacement des moyens de renseignement électronique, fortes tensions sur les ressources humaines, en particulier pour les fusiliers commandos et les spécialités de pointe, problèmes liés au transport aérien, manque de certains moyens indispensables (comme les nacelles optroniques), montée en puissance des drones, maintien en condition opérationnelle des aéronefs, etc.. Les sujets de préoccuation ne manquent pas pour le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA).

Mais l’un d’eux paraît plus important encore que les autres (qui le sont aussi) : l’avenir de l’avation de combat. « Un sujet central, stratégique pour notre défense et plus largement notre pays, car elle constitue à la fois un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité », a expliqué le général Lanata, lors d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

Mais avant de parler de l’avenir, il faut prendre en compte le présent. Et ce dernier est marqué par des engagements qui vont bien au-délà des contrats opérationnels définis par le Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013, avec 20 avions de combat projetés au lien de 12 et 4 théatres d’opérations au lieu d’un.

« Ce niveau d’engagement, somme toute ‘mesuré’ pour un pays comme la France – après tout 20 avions de combat ne constituent pas un volume de force exceptionnel – conduit notre dispositif aux limites de ses possibilités », a observé le CEMAA. Et cela d’autant plus que les interventions, plus intenses, s’inscrivent dans la durée.

« En 2016, à partir de notre seule base déployée en Jordanie, nous avons réalisé environ 7.500 heures de vol d’avions de chasse. Alors que nous n’y avions en moyenne que 7 avions déployés, cela représente l’activité annuelle de 85 pilotes aptes aux missions de guerre. 85 pilotes c’est un tiers des capacités actuelles de l’armée de l’air consommé à partir de notre seule base en Jordanie! », a expliqué le général Lanata.

Aussi, pour faire face à ce niveau d’engagement, le CEMAA estime nécessaire « de stabiliser le format de l’aviation de chasse de l’armée de l’Air à 215 appareils », alors que le précédent LBDSN prévoyait de le porter à seulement 185 avions de combat, après le retrait des Mirage 2000N (en 2018) et des Mirage 2000C (en 2021).

« La réduction du format à 185 appareils, rendue possible par une large mutualisation des contrats opérationnels, devait s’accompagner du passage à une flotte polyvalente où chaque avion était capable de réaliser toutes les missions indifféremment. Pas de mutualisation des contrats sans polyvalence! Le passage progressif au Rafale qui est un avion totalement polyvalent et une modernisation ambitieuse du Mirage 2000D, devaient nous permettre d’y parvenir. Nous n’en sommes malheureusement pas là aujourd’hui et pour de nombreuses années », a déploré le général Lanata.

Or, a fait observer le CEMAA, « aujourd’hui, le nombre total d’équipements, donc le format de notre dispositif, redevient un facteur clef quand le nombre des engagements simultanés ne cesse d’augmenter, tout comme les espaces et les étendues terrestres ou maritimes à surveiller. Nos avions n’ont pas le don d’ubiquité. »

Qui plus est, cette forte et longue pression opérationnelle font que l’entraînement et la formation des équipages continue de se dégrader, ce qui finit par avoir des conséquences sur les opérations.

« Si l’entraînement est insuffisant, le nombre d’équipages formés, capables de conduire les missions opérationnelles, diminue progressivement. J’estime en perdre environ quatre à cinq chaque année actuellement, l’équivalent d’un escadron de chasse en quatre à cinq ans. Il en résulte que les déséquilibres s’aggravent. Nous sommes ainsi entrés dans un cercle vicieux dont il ne sera possible de sortir qu’en produisant un volume d’heures de vol suffisant pour réaliser à la fois les missions opérationnelles, le soutien à l’export et garantir le niveau d’entraînement », a expliqué le général Lanata.

Outre le nombre d’avions de combat, l’avenir de l’aviation de chasse passe par la qualité. La modernisation des 55 Mirage 2000D, que se fera a minima (il n’est plus question de les doter de capacités air-air) ainsi que le lancement du standard F4 du Rafale pour maintenir cet avion au meilleur niveau à l’horizon 2025, permettra d’y répondre à court terme.

La suite s’annonce plus compliquée puisqu’il s’agira de développer un nouvel appareil, ou plutôt un « système de combat aérien futur », dans le cadre d’une éventuelle coopération européenne. D’abord pour remplacer le Mirage 2000D en 2030, puis les Rafale. « Il s’agit d’un sujet complexe où s’entrelacent de multiples dimensions : politique, stratégique, internationale, technologique, industrielle, capacitaire et budgétaire », a souligné le général Lanata.

En attendant, pour maintenir le format de l’aviation de chasse, le CEMAA propose de « prolonger un peu plus les flottes les plus anciennes tout en modernisant quelques Mirage 2000D en complément des 55 déjà prévus » et d’exploiter au mieux les potentialités des appareils en service.

« Je continuerai toutefois à demander l’intégration de l’AASM [Armement Air Sol Modulaire] sous M2000D et de la GBU49 sous Rafale pour faciliter nos opérations. Je trouve en effet cette ségrégation des stocks par type d’avion contraire au bon sens élémentaire, et je pèse mes mots. Je pense également nécessaire de nous préoccuper de l’acquisition de bombes de 500 et 1000 kg, dotées de capacité tout temps », a cité, à titre d’exemple, le général Lanata.

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