Général Lecointre, sur les OPEX : « Nous sommes l’armée de la Nation et non celle du Ministère des Armées »

Comme le prévoit le projet de loi de programmation des finances publiques (PLFP) 2018-2022, la provision inscrite en loi de finances initiale (LFI) au titre des « opérations extérieures de l’État » [opex] augmentera de 200 millions d’euros chaque année pour atteindre 1,1 milliards en 2020, contre 450 millions actuellement. Un montant qui sera « en adéquation avec le niveau d’engagement de nos forces », précise le document.

Pour le Premier ministre, Édouard Philippe, il s’agit là d’une « pratique beaucoup plus saine », qui éviterait d’avoir recours à la solidarité interministérielle pour compléter le financement des opérations extérieures. Pourtant, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ne disait pas cela à l’époque où il était encore à l’Hôtel de Brienne.

Voici ce qu’il affirmait il y a exactement un an (le 2 novembre 2016 pour être précis) lors des débats budgétaires en commission élargie, à l’Assemblée nationale :

« Certains voudraient qu’on évalue avec suffisamment de précision les OPEX afin que le chiffre de leur financement soit le plus cohérent possible. Ce chiffre, dès, ne correspondrait plus aux 450 millions d’euros inscrits dans le budget, mais, pour ce qui est de l’année 2016, serait de 1,2 milliard d’euros. Reste que cette orientation n’est pas favorable pour l’heure au ministère parce que tout dépassement d’une provision pour OPEX par rapport au socle prévu par la loi de programmation militaire […] ne serait plus partagé et seul le ministère de la Défense devrait l’assumer sur ses différents chapitres et vraisemblablement au détriment de ses acquisitions et de sa trajectoire capacitaire. Bref, je ne crois pas qu’il s’agisse de la bonne méthode. »

Et M. Le Drian d’ajouter : « Celle prônée par la seconde école me paraît meilleure, sous réserve bien sûr, que les surcoûts soient entièrement identifiés et que leur couverture interministérielle soit totalement assurée. Cela a été jusqu’à présent le cas : l’ensemble des surcoûts liés aux OPEX a été pris en compte par un financement interministériel depuis 2012. »

Que pense donc M. Le Drian des intentions du gouvernement auquel il appartient? En tout cas, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Lecointe, est sur la même lige que défendait l’ex-ministre de la Défense il y a un an. Il avait déjà eu l’occasion de le dire lors de l’Université d’été de la Défense, en septembre. Et il l’a répété lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Audition qui aura fait moins de bruit que celle de son prédécesseur, le général Pierre de Villiers.

« Avant toute autre chose, je tiens à réaffirmer, devant vous, mon attachement à la solidarité interministérielle. Ce principe vaut pour les annulations de crédits; il doit valoir aussi pour les éventuels surcoûts OPEX et ce d’autant plus que les engagements s’imposent à nous », a en effet déclaré le général Lecointre. D’autant plus que, a-t-il continué, il serait « illusoire de prétendre anticiper exactement le budget nécessaire à la conduite des opérations de l’année suivante. »

Cela étant, le CEMA estime qu’il est « important de trouver un bon niveau de soclage afin de ne pas avoir à faire appel à une solidarité gouvernementale qui désorganiserait l’ensemble du budget de l’État, avec des conséquences négatives sur les budgets des autres ministères. » En clair, il s’agit de placer le curseur au bon endroit…

« De ce point de vue, la clause de sauvegarde inscrite en LPM et prévoyant un financement interministériel pour couvrir les surcoûts OPEX au-delà de la provision prévue en LFI 2017, est un mécanisme vertueux : elle évite aux armées d’avoir à supporter les surcoûts des opérations en rognant, par exemple, sur les programmes d’armement, l’entretien programmé des matériels, la condition du personnel ou la préparation de l’avenir », a souligné le général Lecointre.

En tout cas, le CEMA a sorti un argument massue. « Nous sommes l’armée de la Nation et non l’armée du ministère des Armées. La clause de sauvegarde consacre le principe de contribution de la Nation tout entière à l’effort que suppose tout engagement militaire en opération, sous le contrôle du Parlement », a-t-il rappelé.

En attendant, le coût des OPEX au titre de l’année 2017 n’est pas totalement pris en charge, en dépit des 850 millions d’euros annulés en juillet dans le budget du ministère des Armées. Selon le général Lecointre, il faut trouver 352 millions d’euros (somme qui prend en compte l’opération Sentinelle, mais pas celle lancée après le passage du cyclone Irma aux Antilles). « Une prise en compte interministérielle seulement partielle des surcoûts OPEX et OPINT ne manquera pas d’avoir des effets d’éviction préjudiciables », a-t-il prévenu.

Au passage, le général Lecointre a donné des précisions au sujet des programmes affectés par le coup de rabot de cet été. La livraison de 8.000 fusils d’assaut HK-416F a été décalée, de même que la commande de 20 missiles Exocet et celle d’un hélicoptère Caracal pour l’armée de l’Air (pour remplacer celui perdu au Burkina Faso il y a trois ans). L’économie réalisée est quasiment équivalente au manque à gagner consécutif à la vente d’une partie l’îlot Saint-Germain à la ville de Paris.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]