Où en est le projet de relancer la filière française de munitions de petit calibre?

« Nous venons de poser un acte de souveraineté nationale (…) C’est du made in France dans l’action et pas seulement dans le discours », lança Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, en mars dernier, devant les salariés de la société NobelSport, numéro un européen de l’industrie pyrotechnique.

Le ministre venait ainsi de relancer la filière française de munitions de petit calibre, abandonnée au tournant des années 2000 avec la fermeture de l’établissement de Giat Industries, alors implanté au Mans. Ce qui obligea les forces armées françaises à se tourner vers l’étranger pour s’approvisionner en cartouches de 5,56 mm OTAN, avec des fortunes diverses, la qualité n’ayant pas toujours été au rendez-vous.

Pourtant, l’idée de relancer cette filière fut plusieurs fois évoquée. Mais à chaque fois, le ministère de la Défense s’y opposa, estimant que la quantité de cartouches consommées par les armées françaises était insuffisante pour assurer la viabilité économique d’un tel projet.

Puis, deux députés auteurs d’un rapport sur cette question – Nicolas Bays (PS) et Nicolas Dhuicq (LR) – firent avancer le débat en posant des questions pertinentes.

« La France serait-elle visionnaire en la matière alors que ses voisins ont pour la plupart conservé une industrie nationale de munitions de petit calibre qui alimente nos armées? Comment est-il possible de s’assurer qu’aucun de nos fournisseurs ne sera contraint de cesser ses livraisons en raison d’une législation nationale? Comment est-on certain d’un approvisionnement en cas de conflit majeur et pourquoi serions-nous dans ce cas les premiers servis? Pourquoi, si nos voisins parviennent à faire vivre une industrie de munitions de petit calibre, ne le pourrions-nous pas? », avaient-il demandé.

À ces questions, M. Le Drian venait donc d’apporter une réponse avec ce projet appelé « Provinces de France ». Il s’agissait aussi de mettre fin à un paradoxe : la France étant leader mondial de la fabrication des munitions de chasses n’était pas en mesure de produire des cartouches pour ses armées et ses forces de sécurité.

Selon le montage approuvé par M. Le Drian, les munitions devaient être fabriquées à Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère), dans le cadre d’une entente entre NobelSport et Thales (via sa filiale TDA Armements). La société Manurhin devait fournir les machines de cartoucherie. Seulement, il ne s’agissait à l’époque que d’un protocole d’accord, c’est à dire que rien n’était encore inscrit dans le marbre, d’autant plus qu’il fut avancé que le modèle économique était à préciser.

Plus de six mois plus tard, où en est-on? Un sénateur a posé cette question à Joël Barre, le Délégué général pour l’armement (DGA). Et sa réponse n’incite guère à l’optimisme.

« La revue stratégique a dressé une cartographie des coopérations industrielles et technologiques sur la base des exigences d’une plus ou moins grande souveraineté. Les munitions de petit calibre ne font pas partie des domaines identifiés comme devant rester souverains », a en effet répondu le DGA.

Or, a-t-il ajouté, « pour nous doter d’une telle filière, il faudra investir pour la remettre en place et s’assurer de notre capacité à vendre les produits sur un marché international très concurrentiel. » En clair, on retrouve, dans cette réponse, les éléments de langage utilisés par le ministère de la Défense pour s’opposer à l’idée de restaurer cette capacité industrielle…

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