La Marine n’a aucune assurance sur la permanence d’un groupe aéronaval avec un second porte-avions

« Vous allez devoir revenir pour une audition spéciale sur cette question du porte-avions! », a lancé le président de la commission de la Défense, Jean-Jacques Bridey, à l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale.

Il est vrai que beaucoup de questions ont tourné autour de l’avenir des capacités aéronavales, et donc du prochain porte-avions. À ce sujet, la Revue stratégique, publiée le 13 octobre, parle de maintenir « la supériorité aéoromaritime » de la Marine nationale, ce qui « implique de préparer le renouvellement du groupe aéronaval ».

Ce qui veut dire que l’ambition de disposer de deux porte-avions est passée à la trappe. « C’est un investissement extrêmement lourd qui demande une programmation et une volonté affirmée. Donc une décision politique », avait déjà eu l’occasion de dire l’amiral Prazuck aux députés.

« Préparer » ne veut pas dire « commander » un nouveau navire. Aussi, sous réserve de ce que contiendra la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), la période 2019-2023 servira à mener les études sur ce que sera le prochain porte-avions.

« Au cours des années qui viennent, nous devrons rassembler les éléments techniques, budgétaires, financiers et opérationnels pour décider de la construction du nouveau porte-avions », a ainsi affirmé le CEMM.

Pour autant, étant donné que le Charles-de-Gaulle restera en service au moins jusqu’en 2035, voire jusqu’en 2040, un mince espoir subsiste pour que la Marine puisse avoir, pendant quelques années, deux porte-avions. Encore faudrait-il s’y prendre assez tôt.

« Sur le porte-avions, la question est avant tout celle du nouveau porte-avions. L’ambition d’une permanence d’un groupe aéronaval me semble raisonnable, avec un second porte-avions, arrivant en 2030, qui coexisterait avec le Charles de Gaulle jusqu’à son retrait du service actif et son remplacement… », a ainsi estimé l’amiral Prazuck. Seulement, a-t-il ajouté, « je n’ai pas aujourd’hui d’assurances en ce sens. » La prochaine LPM tranchera donc.

En outre, a précisé le CEMM, les « études préalables [sur le prochain porte-avions] sont dimensionnantes, elles doivent être conduites rapidement. Cet objectif reste atteignable. »

Mais le calendrier sera extrêmement serré. Si l’on regarde ce qu’il s’est passé pour le Charles-de-Gaulle, sa quille a été posée en novembre 1987. Et il aura fallu attendre 14 ans pour qu’il soit officiellement mis en service. Pour le porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth, les choses vont un peu plus vite, le délai entre le début de sa construction et le début de sa carrière opérationnelle devant être de 9/10 ans.

Et encore faut-il que tout se passe bien. Outre les éventuels soucis budgétaires, des défis technologiques seront à relever (notamment si le choix de catapultes électromagnétiques est confirmé) et il n’est pas impossible qu’il y ait des problèmes de maintien de compétences, en particulier pour les spécialités critiques dites « orphelines ».

« Pour garder du personnel compétent, encore faut-il qu’il fasse des ‘choses’. Et ce n’est pas en 2020 ou en 2022 qu’il faudra se poser cette question! Si nous ratons la fenêtre de 2018, nous nous exposerons à de gros problèmes par la suite. C’est le point critique », avait expliqué, sur ce point, Hervé Guillou, le Pdg de Naval Group, en décembre 2016.

En attendant, et alors que le Charles-de-Gaulle est en cale sèche pour sa refonte à mi-vie, l’amiral Prazuck n’a pas échappé à la question (piège) de savoir ce que peut faire la Marine sans porte-avions.

« Que fait-on quand on n’a pas de porte-avions? Nous sommes moins puissants mais sommes-nous démunis? Non ! S’il fallait intervenir aujourd’hui, nous pourrions avoir recours à des missiles de croisière, d’une portée d’environ mille kilomètres, armant les frégates multi-missions. Cela ne permet pas de renouveler des frappes pendant trois mois comme le fait un porte-avions mais cela permet d’envoyer des signaux politiques extrêmement forts », a répondu l’amiral Prazuck.

« Deuxième moyen dans notre arsenal : les BPC [Bâtiment de projection et de commandement], qui ont déjà servi de base de combat pour les hélicoptères de l’armée de Terre pendant l’opération Harmattan en Libye. […] La portée des hélicoptères est évidemment beaucoup plus limitée que celle des Rafale du porte-avions; il faut rester en zone côtière », a continué le CEMM. Sauf que le Charles-de-Gaulle a aussi été sollicité pour intervenir en Libye…

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