Selon des membres de l’Otan, la Russie aurait testé des armes cybernétiques lors de l’exercice Zapad 2017

Le 30 août dernier, les habitants de la région de Courlande, en Lettonie, n’ont pas pu utiliser leurs téléphones portables pendant au moins 7 heures. En cause? Une mystérieuse interruption de service ayant affecté l’ensemble des opérateurs.

Puis, le 13 septembre, soit un jour avant le début de l’exercice Zapad 2017, mené conjointement par la Russie et la Biélorussie, le service téléphonique d’urgence de Lettonie, le 112, est tombé une première fois en panne, avant d’être rétabli au bout de quelques heures.

Il n’en a pas fallu plus à Riga pour soupçonné le voisin russe d’être à l’origine de ces dysfonctionnements. « La Russie semble avoir utilisé un brouilleur de communications téléphoniques très puissant à partir de Kaliningrad. Il ne visait pas la Lettonie mais était dirigé vers [l’île suédoise de] Gotland et l’archipel d’Aland [en Finlande] », a en effet expliqué Karlis Serzants, le vice-président de la commission de la sécurité nationale du Parlement letton, sur la base d’un rapport des services de renseignement.

Un député letton, Ojars Kalnins, a par la suite déclaré que les soupçons se portaient sur un navire russe doté d’une « technologie capable de bloquer les signaux de téléphonie mobile. » Et d’évoquer une possible « attaque expérimentale. »

La référence à l’île de Gotland et à l’archipel d’Aland n’est pas suprenante : ces endroits sont considérés comme stratégiques et leur prise éventuelle par les forces russes permettrait à ces dernières de verrouiller la mer Baltique et d’empêcher l’envoi de renforts en direction des pays baltes.

Cela étant, en Suède, il n’a pas été fait état d’une interruption quelconque des services de téléphonie mobile sur l’île de Gotland. Même chose pour l’archipel d’Aland. En tout cas, un porte-parole du ministère suédois de la Défense a dit ne pas avoir eu connaissance d’une perturbation des communications ayant visé son pays.

Par ailleurs, la semaine passée, les services de renseignement norvégiens ont évoqué des perturbations ayant ayant visé les signaux GPS dans la région du Finmark, pendant l’exercice Zapad 2017, lequel devait se concentrer sur Kaliningrad et la Biélorussie. Pour autant, Oslo n’a pas accusé les forces russes d’en avoir été sciemment à l’origine.

« Pour leurs exercices [militaires], les Russes ont l’habitude de faire du brouillage électronique contre leurs propres forces. L’équipement utilisé est déstiné à interférer avec les systèmes de communication et de navigation. Celui qui est utilisé peut affecter les systèmes de navigation GPS dans les zones frontalières, donc du côté norvégien », a expliqué Kim Gulbrandsen, du renseignement militaire norvégien. « Nous croyons que cela ne visait pas la Norvège mais que cela faisait partie de l’exercice russe », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, des responsables de l’Otan estiment que l’exercice Zapad 2017 a été l’occasion pour les forces russes de tester des armes cybernétiques. Ce qui, couplé à d’autres capacités (cyberattaques, propagande, etc…) permettrait d’appliquer l’un des principes de Sun Tzu : « Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre ».

La Russie « a développé au cours des trois dernières années un important arsenal électronique. […] Une grande partie de cet arsenal a été utilisé lors des manoeuvres [Zapad] », a ainsi déclaré le général Ben Hodges, le commandant de l’US Army en Europe.

D’ailleurs, des sites comme Sputnik se font régulièrement l’écho des innovations russes en la matière. Ainsi, en 2016, le groupe russe Technologies radio-électroniques (KRET) s’était vanté d’avoir mis au point un système capable de « neutraliser les communications haute fréquence, plus particulièrement le Système global de communications haute fréquence des Etats-Unis (High Frequency Global Communications System) qui assure les communications entre tous les organes de commandement du ministère de la Défense, les avions et les navires des Etats-Unis et de leurs alliés. »

Cette question a donc été abordé lors du dernier Conseil Otan-Russie, qui s’est tenu le 26 octobre. « Au moins deux alliés en ont parlé », a indiqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, après la réunion avec Alexandre Grouchko, l’ambassadeur russe auprès de l’Alliance.

Cela met en évidence « la nécessité pour la Russie d’être plus transparente avec ces exercices militaires », afin de s’assurer « qu’il n’y ai pas d’erreur de calcul, de malententus car ces types d’activités peuvent avoir des effets graves », a estimé M. Stoltenberg.

Justement, toujours au sujet de l’exercice Zapad, les Alliés ont transmis à M. Grouchko leurs griefs au sujet de l’ampleur des effectifs engagés. Pour rappel, il était question de mobiliser moins de 13.000 soldats, un niveau en deçà duquel la présence d’observateurs n’est pas requise, conformément à la convention de Vienne.

« Les Alliés ont souligné que le fait que le nombre de troupes participant à l’exercice dépassait de façon significative le nombre annoncé avant l’exercice, que le scénario était différent (de celui annoncé) et que l’étendue géographique était bien plus grande qu’annoncé auparavant », a ainsi affirmé M. Stoltenberg. Les estimations des effectifs engagés varient du simple au triple selon les sources : 40.000 pour l’US Army en Europe, 120.000 d’après l’Ukraine.

De son côté, le diplomate russe a répondu que les Alliés n’avaient « pas de preuves » pour étayer leurs « accusations ». Et d’ajouter : « Tous les efforts ont porté sur une diabolisation de Zapad ».

Photo : Le système de guerre électronique russe « Krassoukha-4 »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]