Dassault Aviation, Thales et Safran rattrapés par le contrat des Mirage 2000 taïwanais

Il y a quelques mois, le ministre taïwanais de la défense, Feng Shih-kuan, a assisté à une cérémonie officielle organisée sur la base aérienne de Hsinchu pour célébrer les 20 ans de service des 60 Mirage 2000-5 de la Force aérienne de la République de Chine.

Ces appareils avaient été commandés auprès de la France en 1992, pour un montant de 22,8 milliards de francs (3,5 milliards d’euros). Et les menaces de rétorsions de la Chine continentale furent sans effet sur Paris, pour qui ce contrat devait préserver le plan de charge de son industrie aéronautique militaire (à commencer par celui de Dassault Aviation).

Un an plus tôt, Taïwan avait commandé 6 frégates légères furtives de la classe La Fayette, dans des conditions opaques. Ce contrat interdisait tout recours à des intermédiaires, et donc à des commissions.

Seulement, afin de lever un veto mis par le gouvernement français, alors soucieux de ménager Pékin, à cette vente potentielle, des commissions furent bel et bien versées, ce qui donna lieu à la fameuse affaire des « frégates de Taïwan », avec Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères au moment des faits, Christine Deviers-Joncour, Alfred Sirven et la compagnie Elf en tête d’affiche.

Mais ils n’étaient pas les seuls concernés. Un certain Andrew Wang, alias « Mister Shampoo », joua un rôle important dans cette affaire, émaillée par de nombreuses morts mystérieuses. Il fut l’un de ceux qui reçurent des commissions occultes, dont une partie serait revenue en France sous forme de « rétro-commissions », dont les bénéficiaires demeurent inconnus (les demandes pour lever le secret défense dans cette affaire ont toutes été rejetées).

Ayant saisi le tribunal arbitral en raison du versement de ces commissions occultes, Taïwan obtint de gain de cause. Et, en 2011, la France fut condamnée à lui rembourser 591 millions de dollars. Une partie fut payée par Thales (qui s’appelait Thomson CSF au moment de la vente), une autre, conséquente, fut à la charge de l’État (et du ministère de la Défense, à hauteur de 260 millions).

Pour autant, cette affaire donna l’idée aux autorités taïwanaises de regarder d’un peu plus près le contrat concernant les Mirage 2000-5. Et elles arrivèrent à la conclusion que, là aussi, des commissions occultes (évaluées à 260 millions de dollars) avaient été versées.

En mai 2010, la force aérienne taïwanaise annonça son intention de « réexaminer » le contrat des Mirage 2000-5, d’autant plus que l’on retrouvait également le nom d’Andrew Wang dans cette affaire.

Il aura donc fallu attendre plus de 7 ans pour connaître l’épilogue de cette histoire. Du moins en partie. En effet, dans un communiqué publié le 25 octobre, le tribunal arbitral a condamné Dassault Aviation, Thales et Safran à verser 227 millions d’euros à Taïwan. Les trois groupes ont dit « étudier les suites à donner à cette décision ».

Dans le détail, Dassault Aviation devra débourser 134 millions d’euros, Thales et Safran devant respectivement s’acquitter de 64 et de 29 millions d’euros.

Si les trois industriels n’avaient pas oublié cette affaire, ils n’avaient pas pour autant mis de l’argent en réserve pour régler la note. Cela étant, l’État français ne devrait pas être sollicité pour mettre la main à la poche, comme ce fut le cas pour l’histoire des frégates. Thales et Safran ont indiqué que cette sanction n’aurait pas d’impact sur leurs résultats opérationnels en 2017. Quant à Dassault Aviation, sa trésorerie disponible s’élevait à 3,8 milliards d’euros au 30 juin 2017.

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