La Marine revoit ses ambitions à la baisse pour ses futurs patrouilleurs

Le dernier rapport annuel de performance, publié récemment par le ministère de l’Économie, dresse un constat plutôt inquiétant pour la Marine nationale. « La réalisation de la couverture des zones de surveillance maritimes n’est pas conforme aux prévisions » et « la défense maritime du territoire reste donc incomplète même si des efforts sont portés dans certaines zones sensibles où la surveillance est légèrement densifiée », avance-t-il.

Et d’ajouter : « Elle est par ailleurs toujours pénalisée par l’insuffisance en avions de patrouille et de surveillance maritime, par le vieillissement des patrouilleurs de haute mer en métropole et par la réduction temporaire de capacité des moyens de souveraineté outre-mer. »

Plus loin, on lit que « l’accroissement du nombre de patrouilleurs outre-mer, rapides et dotés d’un moyen aérien, augmenterait également fortement la capacité de la France à faire respecter sa souveraineté ultramarine. » Le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), l’amiral Christophe Prazuck, ne dit pas autre chose. Tout comme ses prédécesseurs.

D’où, d’ailleurs, la priorité donnée au programme BATSIMAR (Bâtiment de surveillance et d’intervention maritime), qui doit permettre de renouveler patrouilleurs et avisos, dont certains affichent près de 40 ans de service.

Prévu pour être lancé lors de la Loi de programmation militaire 2009-2012 alors qu’il était déjà dans les cartons depuis plusieurs années, le programme BATSIMAR n’a toujours pas vu le jour. Ce qui fait que, la rupture capacitaire devient de plus en plus préoccupante.

Outre-Mer, « nous n’avons plus que 4 patrouilleurs au lieu de 8 et je sais qu’en 2021 je n’en aurai plus que 2 » alors que ces navires « servent à exercer notre souveraineté dans les zones économiques exclusives », avait déploré l’amiral Prazuck devant les parlementaires, cet été.

Et le CEMM a eu l’occasion de revenir sur ce sujet, lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale, dans le cadre des débats budgétaires en cours. « Sans nos patrouilleurs, demain, nous perdrons notre souveraineté sur nos espaces ultramarins », a alerté l’amiral Prazuck.

« Notre ZEE [Zone économique exclusive, ndlr] doit être surveillée, sauf à être pillée et contestée. Mais nous n’avons pas besoin de moyens colossaux pour ce faire. Mon ambition, c’est de revenir aux moyens, en nombre et en qualité, que nous avions en 1982, au moment de la signature de la convention de Montego Bay. C’est-à-dire : deux patrouilleurs par territoire ou collectivité d’outre-mer, un bâtiment logistique – le B2M –, et une frégate pour aller un peu plus loin. Pas plus », a rappelé le CEMM.

« Avec le programme BATSIMAR, avec le programme B2M [Bâtiment multimission, ndlr], il s’agit de revenir à ce format de 1982 et j’ai bon espoir d’y parvenir dans les premières années d’exécution de la prochaine loi de programmation militaire », a continué l’amiral Prazuck, pour qui il serait déraisonnable de prolonger davantage certains bâtiments déjà anciens.

Cela étant, certains moyens ont été renouvelés. C’est le cas des Batral [Bâtiment de transport logistique, ndlr] par les B2M, ou encore de quelques patrouilleurs P400 par des Patrouilleurs légers guyanais (PLG), dont un troisième sera commandé pour les Antilles. Mais on encore loin du compte : l’amiral Prazuck compte bien sur 18 nouveaux navires afin de remplacer ceux en service outre-Mer comme ceux utilisés pour surveiller les approches maritimes métropolitaines (aviso).

Seulement, il ne sera pas question de développer un navire unique, apte à opérer dans les territoires ultramarins comme en métropole. « Après plusieurs années de bataille pour avoir des BATSIMAR outre-mer, j’ai proposé de différencier ce programme », a déclaré l’amiral Prazuck.

« J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas. Ce serait trop cher, me dit-on », a-t-il ajouté.

Et d’expliquer : « Je propose donc de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite. Je suis donc prêt à échanger du niveau de spécification contre un raccourcissement des délais. J’espère que cela va fonctionner. Ce sera l’un des objets du prochain conseil interministériel de la mer. »

En clair, pour avoir des patrouilleurs plus vite et moins coûteux, la Marine aura accepter une baisse « du niveau de spécification » sur lequel elle comptait jusqu’alors. Or, disposer d’un bâtiment unique permet de réaliser des économies dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), ce qui n’est jamais négligeable.

Cela étant outre les patrouilleurs, la question du remplacement des hélicoptères déployés outre-Mer est également critique. En effet, le coût d’une heure de vol avec une Alouette III devient hors de prix : il est passé de 5.000 euros en 2010 à près de 13.000 euros actuellement.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]