Avec la hausse du budget des armées, le général Bosser est « parti à la conquête des ressources » financières

L’an prochain, le ministère des Armées devrait bénéficier d’un budget en hausse de 1,8 milliard d’euros. Et il est prévu de maintenir cet effort, à raison de 1,7 milliard par an pendant la durée du quinquennat en cours. Aussi important que cela puisse paraître, ces hausses annoncées risquent d’être insuffisantes pour garantir le modèle d’armée « complet » souhaité par la Revue stratégique publiée la semaine passée.

En tout cas, elles le seront pour honorer la promesses du président Macron de porter le budget des armées à 50 milliards d’euros d’ici 2025 (hors pensions, hors coût des opérations), sauf à consentir un effort quasiment deux fois plus important à partir de 2022. Qui plus est, ces hausses sont à relativiser puisqu’elles prendront en compte une part de plus en plus importante des coûts liés aux opérations extérieures.

Aussi, comme l’avait résumé Jean-Paul Bodin, le secrétaire général pour l’administration (SGA), il « va falloir faire entrer l’édredon dans la valise » étant donné que les besoins des armées dépassent largement les ressources ». Et cela d’autant plus que le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, va consommer une part importante des crédits. D’où les discussions « tendues, difficiles » entre les trois armées (Terre, Air, Marine).

Dans ce contexte, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Jean-Pierre Bosser, a utilisé une expression qui rend bien compte de ce qui va se passer. « Je suis parti à la conquête des ressources », a-t-il dit, lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

Évoquant la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), en cours d’élaboration, le CEMAT a indiqué qu’il souhaite « voir porter des ambitions de réparation, de recapitalisation et de modernisation » pour l’armée de Terre.

Qui dit modernisation dit évidemment le programme Scorpion, qui vise à renouveler l’ensemble des véhicules blindés de l’armée de Terre. Sur ce point, le général Bosser ne varie pas : il faut accélérer sur ce dossier, étant donné qu’il a pris du retard. Et la coupe de 850 millions d’euros décidé en juillet l’a un peu affecté, avec un report concernant les tourelleaux des blindés.

« J’estime aujourd’hui la reconstruction d’un VAB classique en VAB Ultima à 1,4 million d’euros, soit, bon an mal an, le prix d’un Griffon. Je pose donc la question, dans le cadre de la préparation de la loi de programmation militaire : continuerons-nous de reconstruire un matériel qui date des années 1970 ou allons-nous accélérer l’arrivée du Griffon ? La question se pose à périmètre financier identique et avec la capacité industrielle d’accélérer aussi la réalisation du programme Scorpion », a une nouvelle fois affirmé le CEMAT.

La modernisation ne s’arrête pas au programme Scorpion : elle porte aussi sur « la recherche et le développement, l’innovation, la transformation numérique, la cybersécurité. »

Cela étant, la question de l’accélération du programme Scorpion rejoint une autre ambition : celle de la « réparation », qui vise à « pallier des déficiences majeures. » Et là, le CEMAT a livré un inventaire à la Prévert.

Actuellement, l’armée de Terre « ne peut pas se déplacer de manière autonome sur le territoire national : elle manque de véhicules légers », a dit le CEMAT. En outre, elle est en train d’user ses canons CAESAR de façon accélérée (opération Chammal oblige) et il faudra « remplacer les radars nécessaires à la coordination dans la troisième dimension et à la défense sol-air (GM 60). »

Au niveau du transport logistique, les camions GBC-180 sont à bout de souffle (40 ans de service) et il manque des moyens de franchissement. « À l’est, nous pouvons être engagés sur des portions de terrain où il y a une coupure humide tous les dix kilomètres. », a fait observé le CEMAT.

Dernière ambition livrée par le général Bosser : la recapitalisation, qui « vise à restaurer un modèle qui a été sous-doté ». C’est « réinvestir dans les dispositifs avancés, outre-mer et à l’étranger. C’est veiller au niveau des taux d’encadrement. Et cela intègre aussi la condition militaire. En fait, pour résumer, c’est bien vivre son métier – ne pas être obligé de courir parce qu’il manque des paires de chaussures, des casques, des connexions « Félin » (Fantassin à équipements et liaisons intégrés), des gilets de protection – et bien vivre de son métier », a-t-il expliqué.

Mais en attendant, la « conquête des ressources » peut concerner des sommes « relativement modestes ». Ainsi, sur les 200 millions d’euros supplémentaires qu’il est prévu d’investir en 2018 au titre de la « protection », le général Bosser en réclame 20%.

Cela permettrait, a-t-il détaillé, à l’armée de Terre de « doter la moitié de la force opérationnelle terrestre des nouveaux gilets dits ‘structures modulaires balistiques’, d’équiper la quasi-totalité de ses soldats en OPEX avec le treillis F3, dont le tissu est le plus protecteur et un tiers des collections du programme Félin avec le nouveau casque composite. »

« Je souhaite ainsi obtenir davantage d’effets physiques et de symboles liés à la remontée en puissance. Si l’on pouvait dire qu’en 2020 on aura équipé la totalité de la force opérationnelle terrestre en gilets, ce serait un bon signal. Si l’on peut remplacer, à l’horizon 2022, l’ensemble des pistolets modèle 1950 par des pistolets plus modernes, cela aurait du sens et, politiquement, ce serait recevable », a plaidé le CEMAT.

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