Transport aérien stratégique : Le Centre du soutien des opérations et des acheminements a été perquisitionné

Comme les forces françaises ne disposent pas d’avions gros porteurs pour acheminer leurs matériels sur les théâtres d’opérations extérieurs, l’État-major des armées (EMA) fait appel à des sociétés privées, en leur achetant des heures de vol sur AN-124, IL-76 et AN-225.

Deux types de procédures existent. La première repose sur le contrat SALIS, qui, passé par l’Otan auprès d’un consortium privé, prévoit l’affrètement à temps de deux avions An‑124‑100, de deux autres sur préavis de 6 jours, et de deux autres encore sur préavis de 9 jours. Comme la France n’est évidemment pas la seule à y recourir, il lui faut donc trouver des moyens complémentaires.

D’où la seconde procédure, dite à « bons de commande », dont le marché a été attribué à la compagnie International Chartering Systems (ICS), qui fait appel à des sous-traitants.

Pour le contrat SALIS, le coût de l’heure de vol (38.600 euros) est stable. En revanche, il a augmenté de près de 40% par rapport à 2016 pour la seconde procédure, passant de 49.000 à 67.500 euros. Ce qui a conduit la Cour des comptes à saisir le Parquet national financier (PNF), estimant que les conditions d’attributions du marché à ICS étaient « opaques ». Au passage, précisons que les avions gros porteurs sont plutôt rares, ce qui laisse le champ libre à l’envolée des tarifs.

Toutefois, dans un rapport relatif au transport aérien stratégique publié en mars dernier, le député François Cornut-Gentille avait parlé d’arbitrages SALIS / ICS défiant la logique financière et évoqué un non-respect du code des marchés publics ainsi que des soupçons de favoritisme.

« Parmi les acteurs privés de l’affrètement stratégique et tactique figurent de nombreux anciens officiers de carrière, dont plusieurs ont eu de hautes responsabilités au CSOA [Centre du soutien des opérations et des acheminements, ndlr] ou dans les organismes ayant précédé sa création. Ainsi, un ancien chef d’état-major du CSOA a été recruté par ICS et occupe des fonctions dirigeantes l’amenant à négocier avec ses anciens subordonnés sur l’exécution des contrats en cours. Mention doit également être faite d’un ancien officier général ayant dirigé le CSOA et qui, désormais, œuvre pour la promotion d’une offre de transport stratégique soutenue par une grande compagnie russe. Ces deux exemples sont symptomatiques des risques de conflits d’intérêts et autres trafics d’influence qu’engendrent les secondes carrières des militaires », avait souligné M. Cornut-Gentille.

D’après le quotidien Le Monde, Mme le ministre des Armées, Florence Parly, aurait même saisi la justice en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, lequel demande à toute autorité de signaler au procureur de la République un crime ou un délit dont elle a eu connaissance. De quoi nourrir des soupçons sur le marché attribué à ICS, par ailleurs convoité par un concurrent, la société SAS (au point de dénoncer des « irrégalurités » auprès du Commissariat des armées.

C’est ainsi que, le 10 octobre, des enquêteurs de la gendarmerie [selon l’AFP, ndlr] ont débarqué dans les locaux du Centre du soutien des opérations et des acheminements, à Vélizy-Villacoublay. Relevant de l’État-major des armées, cet organisme assure la conduite et la coordination interarmées du soutien logistique au niveau stratégique. La société ICS a également été perquisitionnée la Brigade de répression de la délinquance financière [selon Le Monde, ndlr].

D’après le quotidien du soir, des serveurs et des ordinateurs du CSOA ont été saisis. Ce qui est potentiellement gênant au regard des données que cet organisme a à traiter.

L’instruction n°1539/DEF/EMA/ESMG/B.ORG du 19 septembre 2014 précise en effet qu’il est chargé de renseigner le commandement sur « la situation logistique des engagements et sur les niveaux de ressources nationales critiques des armées, directions et services interarmées, y compris celles détenues par les commandants de théâtre et de forces pré positionnées, au regard des besoins liés aux engagements et aux contrats opérationnels », de rendre compte de « l’état d’armement des tableaux d’effectifs pour les engagements opérationnels » ou encore d’assurer le suivi « des ressources critiques disponibles et indisponibles pour le soutien des engagements, la reconstitution des stocks et la régénération des ressources (logistique inverse). »

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