La victoire juridique de Boeing contre Bombardier met l’aviation royale canadienne dans l’embarras

Le département américain du Commerce a tranché. Dans le litige qui opposait Boeing à Bombardier sur la vente d’avions CS Series à la compagnie Delta Airlines, il a décidé d’imposer des droits antidumping de 220% au constructeur canadien, au motif qu’il aurait bénéficié de subventions gouvernementales pour réduire le prix de ces appareils et être ainsi plus compétitif par rapport à ses concurrents.

Cette décision n’est pas sans conséquence pour un autre dossier : celui de la modernisation des avions de combat de l’Aviation royale canadienne. En effet, dans un premier temps, Cette dernière comptait se procurer, auprès de Boeing, 18 F/A-18 Super Hornet, pour un montant total de 5 milliards de dollars (armements et capteurs compris) et prévoyait de moderniser, pour 500 millions de dollars canadiens, une partie de ses CF-18 Hornet, qui arrivent à bout de potentiel. Puis il était question de lancer un appel d’offres, afin de renouveler l’ensemble de sa flotte.

Seulement, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait prévenu. « Nous avons examiné le Super Hornet de Boeing dans le cadre du remplacement de notre flotte de chasseurs […] mais nous ne ferons pas affaire avec une compagnie qui s’acharne à nous poursuivre et à évincer du marché nos travailleurs de l’aéronautique », avait-il dit, le 18 septembre.

Une position réaffirmée par Chrystia Freeland, Mme le ministre canadien des Affaires étrangères. « Le gouvernement du Canada ne peut pas traiter, en tant que partenaire de confiance, une entreprise qui attaque notre secteur de l’aérospatiale », a-t-elle lancé au sujet de Boeing, peu après l’annonce de la décision du département américain du Commerce.

L’achat de ces 18 F/A-18 Super Hornet devait permettre de patienter jusqu’au lancement d’un appel d’offres global et surtout éviter une possible rupture capacitaire susceptible d’empêcher le Canada de tenir ses engagements internationaux, notamment dans le cadre du NORAD [Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord] et de l’Otan.

Pour faire face à cette situation, et comme l’on voit mal M. Trudeau revenir sur sa parole, les solutions ne sont pas nombreuses. La presse canadienne évoque un achat de F/A-18 de seconde main auprès de l’Australie. Seulement, ne serait-ce que pour la maintenance, Ottawa serait bien obligé d’avoir des relations avec Boeing.

Le F-35A de Lockheed-Martin, qui fut le choix initial du gouvernement canadien, avant d’y renoncer devant les polémiques qu’il avait suscitées, pourrait être une solution. Las, M. Trudeau a dit et répété qu’il n’en voulait pas.

Toutefois, Ottawa pourrait se tourner vers la dernière version du F-16, le « Viper », qui présente un rapport qualité/prix intéressant. Cette solution serait un retour d’ascenseur pour Lockheed-Martin dans la mesure de nombreuses entreprises canadiennes sont impliquées dans le programme F-35. Mais cet appareil étant mono-réacteur, cela peut poser un problème quand il s’agit de survoler de vastes étendues (c’était d’ailleur l’un des reproches adressés au F-35…).

Reste la solution de se procurer des avions européens. Trois sont possibles : le Rafale de Dassault Aviation, qui a d’ailleurs marqué son intérêt, à plusieurs reprises, pour le marché canadien, l’Eurofighter Typhoon (l’achat de cet appareil auprès des Britanniques, qui souffrent également de la décision concernant Bombardier, pourrait « punir » Boeing) et le Gripen E/F de Saab. Les paris sont ouverts.

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