Le Canada menace Boeing de renoncer à sa commande d’avion F/A-18 Super Hornet

Les ventes d’armes donnent souvent lieu à des feuilletons aux multiples rebondissements. Ce fut le cas, par exemple, du programme brésilien FX-2, de l’éviction, in-extremis, après une campagne de presse, du F-15 Silent Eagle au profit du F-35 en Corée du Sud, ou encore du projet visant à remplacer les F-5 Tiger II suisse, annulé après une votation et des polémiques à n’en plus finir sur le type d’avion retenu. Et l’on fera grâce de l’appel d’offres en Inde.

Le Canada peut prétendre à rejoindre la liste. En 2010, le gouvernemement de Stephen Harper avait annoncé que le F-35A de Lockheed-Martin remplacerait les CF-18 Hornet de l’Aviation royale canadienne. Puis, devant la pluie de critiques et de polémiques, notamment en raison du coût jugé trop élevé de ces appareils, Ottawa renonça et promit de lancer un appel d’offres.

À l’automne 2015, le changement de majorité parlementaire modifia la donne. Et le nouveau Premier ministre canadien, Justin Trudeau (Parti libéral) confirma la tenue prochaine d’un appel d’offres tout en écartant la candidature du F-35A (du moins, l’avait-il affirmé lors d’une réunion électorale).

Mais le potentiel des CF-18 Hornet étant bien entamé, et afin de permettre au Canada de continuer à assurer ses obligations internationales, Ottawa opta pour une solution « intérimaire » en annonçant son intention de commander 18 F/A-18 Super Hornet auprès de Boeing. Cela ne devait nullement remettre en cause un futur appel d’offres pour moderniser l’Aviation royale canadienne.

Alors que l’administration Trump a donné son accord pour une telle vente (d’un montant estimé à plus de 5 milliards de dollars), M. Trudeau a menacé de renoncer au F/A-18 Super Hornet et même d’écarter sa candidature à l’appel d’offres que son gouvernement a promis de lancer. Et cela, à cause d’un différend commercial qui oppose Bombardier, le constructeur des avions CSeries, à Boeing.

« Nous avons examiné le Super Hornet de Boeing dans le cadre du remplacement de notre flotte de chasseurs […] mais nous ne ferons pas affaire avec une compagnie qui s’acharne à nous poursuivre et à évincer du marché nos travailleurs de l’aéronautique », a en effet déclaré M. Trudeau, le 18 septembre, lors d’une conférence de presse donnée aux côtés de Theresa May, son homologue britannique.

Et d’insister : « Si Boeing continue d’insister à vouloir éliminer des dizaines de milliers d’emplois au Canada en s’attaquant à Bombardier, il ne devrait pas s’attendre de notre part, comme gouvernement, à ce que nous lui achetions des avions. »

Pour rappel, Boeing accuse Bombardier d’avoir bénéficié de subventions gouvernementales afin de pouvoir baisser ses prix et remporter un marché important auprès de la compagnie américaine Delta Airlines. Les conclusions de l’enquête menée par le département du Commerce, aux États-Unis, pourrait donné lieu à une lourde amende pour l’avionneur canadien.

Ce dossier ne concerne pas seulement Ottawa. Parce que Bombardier dipose d’une usine à Belfast et emploie 4.200 personnes dans le secteur aéronautique, Londres veut servir de médiateur avec Washington.

Si ses relations avec Boeing demeurent tendues, le Canada ne disporait plus que trois options pour remplacer ses CF-18 : le Rafale de Dassault Aviation, l’Eurofighter Typoon ou le Gripen E/F de Saab. À moins que le F-35A ne revienne dans la course.

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