La France propose à la Belgique de lui livrer des avions Rafale via un accord intergouvernemental

Pour remplacer ses avions de combat F-16, la Belgique a lancé le programme Air Combat Capability (ACCap), dans le cadre duquel un appel d’offres a été ouvert à cinq industriels, dont Lockheed-Martin (F-35), Dassault Aviation (Rafale F3R), le consortium Eurofighter (Typhoon), Saab (Gripen E/F) et Boeing (F/A-18 Super Hornet). Le contrat porte sur l’acquisition de 34 appareils, pour un montant évalué à 3,573 milliards d’euros.

Après avoir pris connaissance du cahier des charges, deux constructeurs ont décidé de jeter l’éponge : Boeing, qui a dit « ne pas voir l’opportunité de concourir avec des règles du jeu véritablement équitables avec le Super Hornet F/A-18 », et Saab, pour qui les exigences de Bruxelles imposaient à Stockholm une « politique étrangère et mandat politique qui n’existent pas aujourd’hui ».

Pour certains, l’appel d’offres favoriserait la candidature du F-35A, d’où le retrait de Boeing. Et pour cause : la composante aérienne de la Défense belge entretient des liens étroits avec l’aviation royale néerlandaise (KLu), qui a fait le choix de l’appareil de Lockheed-Martin.

En effet, la Belgique et les Pays-Bas ont noué un accord pour assurer conjointement la surveillance de l’espace aérien du Benelux. En outre, avant la mise en place d’un système de rotation, les aviateurs belges et néerlandais ont été déployés ensemble en Jordanie, pour prendre part aux opérations de la coalition anti-jihadiste. Aussi, pour Bruxelles, disposer du F-35A permettrait une mutualisation des moyens avec La Haye et lui garantirait de pouvoir continuer à assurer les missions nucléaires de l’Otan.

Dans ces conditions, la candidature du Rafale F3R risquait de passer à la trappe. « Je redoute d’une façon générale une volonté d’acheter américain », avait d’ailleurs affirmé Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors d’un entretien donné en juin au journal belge L’Echo, en évoquant le « contrat du siècle », qui vit le F-16 de Lockheed-Martin s’imposer au Danemark, en Norvège, aux Pays-Bas et en Belgique aux dépens du Mirage F1. Et d’ajouter : « C’est sûrement lié à la relation à l’Otan. Mais il n’est pas incompatible d’être dans l’Otan et d’utiliser des avions non américains, comme le prouve le Rafale. »

D’ailleurs, le 6 septembre, alors que Lockheed-Martin et le consortium Eurofighter prévoyaient des opérations de séduction à l’intention de la presse d’outre-Quiévrain, le quotidien La Libre Belgique a cru deviner que Dassault Aviation allait se retirer de la compétiton.

En réalité, si le constructeur français ne veut pas prendre part à l’appel d’offres, il n’a nullement l’intention de renoncer au contrat belge. En effet, à l’image de ce qui a été décidé par Bruxelles et Paris dans le domaine des véhicules blindés, la France entend proposer à la Belgique un « partenariat approfondi » pour répondre aux besoins exprimés par son aviation. Telle est l’annonce que vient de faire Florence Parly, la ministre française des Armées.

« Ce partenariat structurant, qui pourrait prendre la forme d’un accord intergouvernemental, comprendrait la fourniture de l’avion de combat Rafale, mais aussi une coopération approfondie entre nos deux armées de l’air dans les domaines opérationnels, de formation et de soutien, ainsi qu’une coopération industrielle et technique impliquant des entreprises des deux pays », explique Mme Parly, via un communiqué.

« Cette proposition d’un partenariat global allant bien au-delà des seuls équipements militaires consoliderait la relation ancienne et profonde entre nos deux pays. Elle contribuerait au renforcement de l’Europe de la Défense et de son autonomie stratégique, à une période où celle-ci est plus que jamais nécessaire », a encore fait valoir la ministre française.

Reste à voir la réponse de Bruxelles à cette offre, qui est un « quitte ou double ». Selon le calendrier du programme ACCap, la phase de sélection des concurrents doit démarrer en mai 2018, les livraisons devant ensuite s’étaler de 2023 à 2028. Or, la proposition française bouscule cette procédure, laquelle doit prendre en compte les impératifs budgétaires.

Cela étant, en novembre 2014, Dassault Aviation, dont l’entreprise belge Sabca est une filiale, avait proposé à Bruxelles un « transfert de technologie à 100% » ainsi qu’un « programme de coopération industrielle » devant assurer à la Belgique un retour économique au moins équivalent à l’investissement qu’elle fera dans le remplacement des F-16. » Une donnée qui devrait peser lourd dans la balance, même si Lockheed-Martin et Eurofighter ont pris des engagements analogues.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]