La France et l’Allemagne dénoncent la pression russe aux frontières de l’Otan et de l’UE

Dans quelques jours, les forces russes et biélorusses seront engagés dans l’exercice Zapad 2017, qui se déroulera près du passage dit de Suwalki, qui, situé en Pologne et coincé entre Kaliningrad et la Biélorussie, est le seul accès terrestre reliant les pays baltes aux autres pays de l’Otan et de l’Union européenne.

D’après Moscou, Zapad [ouest2017 en russe, ndlr] 2017 vise à simuler l’infiltration de « groupes extrémistes » en Biélorussie et dans l’enclave russe de Kaliningrad pour y commettre des actes terroristes à des fin de déstabilisation.

« L’ennemi est imaginaire, il n’a rien à voir avec la région » qui accueillera l’exercice, a tenu à préciser le ministère russe de la Défense. Mais, à Minsk, l’on a évoqué un scénario reposant sur une tentative de déstabilisation de la part d’une « coalition de pays à l’ouest, (…) là où se trouvent la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. »

Quoi qu’il en soit, la tenue de ces manoeuvres militaires inquiètent les capitales baltes et Varsovie, lesquelles craignent qu’il ne soit qu’un prétexte à un vaste mouvement de troupes à leurs frontières, avec, à la clé, des risques d’incidents susceptibles de les déstabiliser.

« Il y a une vraie inquiétude des Alliés que ces exercices servent à réaffirmer une posture plus agressive, voire qu’ils servent à installer du matériel militaire russe encore plus près de certains pays de l’Otan », a résumé un diplomate interrogé par l’AFP. « Combien de troupes, d’armes, la Russie laissera-t-elle au Bélarus ou dans l’enclave de Kaliningrad? C’est la question qui rend tout le monde nerveux », explique Brooks Tigner, un correspondant d’IHS Jane’s.

« Nous allons surveiller ces activités de très près », a déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, lors d’une visite à la base de Tapa (Estonie), où est déployé un bataillon comprenant des unités britanniques et françaises. « Nous sommes vigilants, mais également calmes car nous ne voyons pas de menace immédiate contre un allié de l’Otan », a-t-il toutefois ajouté.

« Nous sommes préoccupés par la nature et le manque de transparence de cet exercice », mais les États baltes se sentent « en sécurité » grâce au soutien de l’Otan, a commenté, de son côté, Jüri Ratas, le Premier ministre estonien.

S’agissant de la transparence de ces manoeuvres, l’Otan déplore le fait que le Russie n’ait invité que seulement trois observateurs à l’occasion d’une journée dédiée aux « visiteurs ». Ce qui est insuffisant, selon M. Stoltenberg, au regard du Document de Vienne de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ndlr].

Ce texte prévoit en effet d’autoriser à des observateurs d’un exercice militaire mobilisant plus de 13.000 hommes de participer à des « briefings sur son scénario et sa progression » et de « parler à des soldats » et de permettre des « survols » du terrain où il a lieu. « La transparence et la prévisibilité sont d’autant plus importantes que les tensions sont élevées, afin de réduire les risques de malentendus et d’incidents », a souligné M. Stoltenberg.

D’autant plus que les éditions 2009 et 2013 de l’exercice Zapad avaient simulé une invasion de la Pologne avec des dizaines de milliers de soldats ainsi qu’une frappe nucléaire contre Varsovie. Aussi, avait estimé M. Stoltenberg, en juillet, « nous avons toutes les raisons de croire que le nombre de troupes sera substantiellement plus élevé que ce qui a été annoncé officiellement. »

D’ailleurs, l’on ne connaît pas le nombre exact de soldats russes et biélorusses qui participeront à Zapad 2017. Du côté de Moscou, l’on a en effet donné le chiffre de 12.700 militaires alors que, à Minsk, il est question de 13.800 hommes. Sauf que, à Tallinn et à Vilnius, l’on estime que cet exercice mobilisera plus de 100.000 participants.

Et c’est cette estimation donnée par les deux pays baltes qu’a retenue Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense. « Il est indiscutable que nous voyons une démonstration de capacités et de pouvoir des Russes », a-t-elle dit, aux côtés de son homologue française, Florence Parly, lors d’une conférence de presse donnée ce 7 septembre en marge d’une réunion de l’UE à Tallinn. « Celui qui douterait de cela (…) n’a qu’à regarder le nombre élevé de forces qui participent à l’exercice Zapad: plus de 100.000 », a-t-elle ajouté.

« Il est particulièrement important dans ce contexte que nous réaffirmions notre présence face à cette expression et cette démonstration (de force) que font les Russes, qui est aussi une stratégie d’intimidation, il ne faut pas se le cacher », a estimé Mme Parly, après avoir rappelé le déploiement de quatre bataillons multinationaux de l’Otan dans les pays baltes et en Pologne.

« Nous montrons par notre présence, de façon également visible à tout agresseur potentiel, que le territoire des pays baltes et de la Pologne est bien couvert par la garantie de l’Alliance », a poursuivi la ministre, qui doit se rendre à Tapa pour y rencontrer les 300 militaires français engagés dans la mission « Lynx » avec 4 chars Leclerc et 13 VBCI [Véhicules blindés de combat d’infanterie, ndlr].

« La finalité de cette mission [Lynx] est avant tout défensive. Les activités planifiées avec les Alliés sont celles du temps de paix et n’ont pas de visée agressive. Pour autant, en cas de dégradation avérée de la situation, la présence française est en mesure d’évoluer vers une posture plus robuste, proportionnelle à la menace perçue », explique l’État-major des armées (EMA). Et d’ajouter : Elle « respecte, sans aucune ambiguïté, tous les accords internationaux signés, notamment ceux avec l’Otan et la Russie. Le déploiement et les exercices qui sont menés sont planifiés de manière ouverte et transparente. Les activités sont donc prévisibles. Les moyens sont robustes mais limités en nombre. »

Photo : M. Stoltenberg à Tapa (c) Légion Étrangère

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