Le général Lecointre s’oppose à l’idée de faire supporter aux seules armées la totalité du coût des opérations extérieures

Lors d’une étape du Tour de France, juste après l’annonce de la démission du général Pierre de Villiers, le président Macron avait dit ceci, à propos du général François Lecointre, le nouveau chef d’état-major des armées (CEMA) : « Il aura non pas un budget à défendre, parce que ce n’est pas le rôle du chef d’état-major, c’est le rôle de la ministre des Armées. Il aura des troupes à conduire, des opérations à mener, une stratégie, des capacités à défendre et à proposer au chef des armées qui est le président de la République. »

Comment le locataire de l’Élysée va-t-il prendre la mise en garde que vient de faire ce même général Lecointre, à l’occasion de l’Université d’été de la Défense, organisée à Toulon, cette année?

« Une armée est un gros paquebot, on ne construit pas et on ne reconstruit pas un appareil militaire en deux coups de cuillère à pot », a commencé par dire le CEMA, avant de porter l’estocade.

« Les réflexes de régulation budgétaire sauvages viennent trop souvent, malheureusement, détruire le travail de cohérence qui est effectué dans le cadre de l’élaboration de la loi de programmation militaire et des lois de finances initiales », a lancé le général Lecointre.

En clair, il s’agit d’éviter que le budget des Armées serve de variable d’ajustement budgétaire, comme cela a été le cas de trop nombreuses fois par le passé, comme encore en juillet dernier, avec l’annonce d’un coup de rabot à 850 millions d’euros, prélevés sur le programme 146 « Équipement des forces ».

Cette annulation de crédit revient à faire supporter au budget des armées la totalité des surcoûts liés aux opérations extérieures. Or, comme le stipule la Loi de programmation militaire (LPM) actualisée en vigueur, un mécanisme de financement interministériel doit s’appliquer quand ces derniers dépassent l’enveloppe initialement prévue par la Loi de finances initiale (soit 450 millions).

Et l’idée de faire supporter aux armées l’intégralité des surcoûts des opérations extérieures a été défendue par le Premier ministre, Édouard Philippe, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 19 juillet dernier.

« Le problème que vous mentionnez, a répondu le chef du gouvernement au député Olivier Faure, tient à l’intégration des dépenses liées aux opérations extérieures. Comme depuis de très nombreuses années en effet, on se paie de mots en plaçant le budget des OPEX à l’extérieur du budget de la défense. Nous voulons mettre fin à cette mauvaise pratique : nous allons augmenter les dépenses militaires et commencer la réintégration des dépenses d’OPEX, parce que c’est beaucoup plus sain. »

Or, cette évolution n’est pas du goût du général Lecointre. « Qu’on ne prétende pas atteindre l’inatteignable, qui sera extrêmement dangereux, c’est-à-dire ‘le ministère des Armées, quoiqu’il arrive, prendra sous enveloppe la totalité des dépenses des opérations extérieures' », a-t-il prévenu.

Et d’ajouter : « Un complément de solidarité interministériel (…) est extrêmement important pour montrer que ce ne sont pas les armées qui décident de leurs engagements mais que c’est bien un engagement des armées de la France qui est voulu par le gouvernement, le président et qui est validé par le Parlement. »

Étant donné que les surcoûts liés aux opérations estérieures dépassent régulièrement le milliard d’euros, les faire financièrement supporter aux seules armées réduirait significativement la hausse annuelle de 1,6 milliard des dépenses militaires promise par M. Macron afin de les porter à 2% du PIB (qui plus est hors opex).

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