Les ambitions budgétaires affichées par M. Macron pour les Armées revues à la baisse

Visiblement, le président Macron a gardé une dent contre le général Pierre de Villiers. Dans les colonnes du Point, il a en effet dit assumer « totalement » le racadrage de l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), la veille du 14-Juillet, en laissant entendre que ce dernier se serait affranchi de l’autorité du chef de l’État, en évoquant, avec des termes un peu crus, le coup de rabot de 850 millions d’euros dans le budget de la Défense lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Or, cette supposée « insubordination » relève de la fable. Parce que les propos tenus par le général de Villiers n’auraient pas dû se retrouver sur la place publique, la règle du huis clos ayant été violée et qu’il est resté dans son rôle, conformément à l’article D3129-1 du Code de la Défense. En outre, l’officier a reçu des marques de sympathie, voire de soutien, de tous les bords politiques, que ce soit de LR, de la France Insoumise en passant par le Parti socialiste et même la République en Marche.

Mais en revenant sur ce qu’il a appelé une « tempête dans un verre d’eau », le président Macron a pu réaffirmer une nouvelle fois son autorité, que, pourtant, personne ne lui conteste, en déclarant que les « armées ne font pas ce qu’elles veulent » et qu’elles « ne sont pas autopilotées », comme si cela avait été le cas jusqu’à présent…

S’agissant de la coupe budgétaire de 850 millions d’euros, M. Macron en a minimisé la portée, tout en égratignant, au passage le fait que « des journaux financés par des contrats de défense ont mené une campagne de plusieurs semaines pour protéger ces derniers. » Et d’ajouter : « La consanguinité entre une partie des industriels du secteur et la presse pose question ». Une pique que Le Figaro, dont Serge Dassault est propriétaire, appréciera (*).

Cela étant, M. Macron a fait valoir que l’annulation des crédits ayant affecté le ministère des Armées n’a eu aucune conséquence sur la conduite des opérations en cours. « Aucun de nos soldats n’a eu à en pâtir », a-t-il dit.

« On a simplement reporté des commandes de matériels », a ajouté M. Macron. Une ficelle déjà (sur)utilisée par le passé et qui explique l’état de nombreux équipements en dotation au sein des armées.. Qui plus est, comme il n’est pas question de toucher aux crédits alloués à la dissuasion nucléaire, c’est bien évidemment sur les forces conventionnelles que tombe le couperêt.

En réalité, la coupe effectuée dans le budget des Armées revient à faire supporter à ce dernier l’intégralité des surcoûts liés aux opérations extérieures, ce qui est en contradiction avec la Loi de programmation militaire 2014-2019, qui prévoit un mécanisme de financement interministériel pour les prendre en charge quand ils dépassent les 450 millions d’euros. Mais, comme l’a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, cela deviendra la règle, conformément, d’ailleurs, au souhait de Bercy.

Lors de la course à l’Élysée, le président Macron avait promis de porter le budget des Armées à 2% du PIB en 2025, soit, en tenant compte des « hypothèses actuelles de croissance du PIB dans les prochaines années », une enveloppe de « 50 milliards d’euros par an, hors pensions et hors surcoûts opex » en 2025 contre 32 en 2017″. Et il avait ajouté que, à ces yeux, cet effort était « indispensable » et « urgent ».

Dans son entretien donné au Point, et sans attendre le résultat de la revue stratégique qu’il a demandée, M. Macron a assuré que l’armée française « demeurera » la « première d’Europe » et la « seconde du monde libre », ce qui signifie que les capacités militaires de la France dépasseront celles du Royaume-Uni (dont le budget de la Défense est déjà équivalent à 2% du PIB). Comme il ne peut y avoir de stratégie sans objectif à atteindre, l’on pourrait penser que le chef de l’État donnera les moyens d’atteindre cette ambition.

Seulement, sur le plan financier, on sera loin du compte puisqu’il a annoncé une hausse du budget des Armées de « 1,6 milliards par an en plus chaque année, avec comme objectif 2% du PIB à l’horizon 2025 ». Pour lui, c’est un « investissement inédit mais nécessaire pour nos armées ». Nécessaire? Certainement. Suffisant? Non, car on sera bien loin des 50 milliards d’euros (hors pensions et hors opex) promis il y a à peine six mois par le candidat Macron, sauf à réaliser des investissements deux fois plus importants (et donc deux fois plus inédits) entre 2022 et 2025.

En 2017, le budget des Armées s’élève à 32,4 milliards d’euros, hors ressources exeptionnelles (qui se montent à 300 millions). Il a d’ores et déjà été annoncé qu’il serait augmenté de 1,8 milliard en 2018 (il devait être le seul à être dans ce cas mais l’on appris que d’autres ministères verront aussi leurs ressources augmenter, sans avoir eu » à « se bagarrer beaucoup », comme l’a admis Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire, qui obtenu un rabiot de 3%).

Donc, en 2018, les Armées disposeront d’un budget de 34,2 milliards, dont 650 millions de surcoûts « opex ». Et, pour la dernière année du quinquennat, en 2022, leurs ressources s’élèveront donc à 40,6 milliards d’euros (en prenant en compte la totalité des surcoûts opex, comme l’a laissé entendre le Premier ministre). On sera donc très loin des 50 milliards d’euros (hors pension et hors opex, on insiste) promis pour 2025. Pour atteindre cet objectif, il faudrait une hausse annuelle avoisinant les 5 milliards d’euros à partir de 2023.

Parlant toujours de l’armée française, M. Macron a également dit au Point qu’il « souhaite aussi la moderniser pour répondre à nos défis sans céder pour autant aux sirènes de la militarisation des relations internationales, qui consistent à dire qu’il ‘faut dépenser de plus en plus dans les affaires militaires pour être crédibles sur le plan des affaires diplomatiques’, sinon la course est sans fin. » Faut-il, encore une fois, rappeler le mot de Bismarck? « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments »…

(*) À cette occasion, qu’il soit permis de préciser que Zone Militaire n’appartient pas à un industriel de l’armement et qu’il n’a ni de lien ni de contrats publicitaires avec cette industrie, pas plus qu’il n’est en rapport avec quelque parti ou courant politique que ce soit. En revanche, on peut s’interroger sur certains éditorialistes, qui, ne cachant pas leurs penchants (ou si mal), ont vu dans l’affaire de la démission du général de Villiers un mauvais « remake » du putsch d’Alger et décrit ainsi une situation qui ne correspondait pas à la réalité

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