Brouillage, erreur humaine… Rien n’est écarté pour expliquer la série noire qui frappe l’US Navy

La collision entre le destroyer USS John McCain et le pétrolier Alnic MC, près du détroit de Malacca, aura été le quatrième de l’année ayant impliqué un navire de la 7e Flotte de l’US Navy. Celui de trop pour le vice-amiral Joseph Aucoin, le commandant de cette dernière. Selon un responsable du Pentagone, il devrait en effet payer les pots cassés et être démis de ses fonctions.

Et cela, sans attendre les résultats de la « pause opérationnelle » décidée le 21 août par l’amiral John Richardson, le chef des opérations de la marine américaine, afin de passer en revue les procédures de sécurité ainsi que les règles de base au sein de l’ensemble des flottes de l’US Navy, ni les conclusions de l’enquête « approfondie sur tous les accidents » visant à examiner « tous les facteurs ».

Quoi qu’il en soit, cette succession d’incidents ayant affecté la 7e Flotte interroge. En janvier, le croiseur USS Antietam s’était échoué près de sa base japonaise, dans une environnement qui n’avait aucun mystère pour son équipage (son commandant a toutefois été sanctionné). En mai, l’USS Lake Champlain, un autre croiseur de la classe Ticonderoga, était entré en collision avec un chalutier sud-coréen. Même chose, le mois suivant, pour le destroyer USS Fitzgerald, mais avec un imposant porte-conteneurs (7 marins américains furent tués).

Pour expliquer cette série noire, l’on pourrait avancer que le rythme opérationnel imposé à la 7e Flotte serait trop élevé : et le surmenage des marins américains augmenterait le risque d’erreurs humaines, d’autant plus que les incidents se produits dans des zones très fréquentées par les navires commerciaux. Cela pose, d’ailleurs, la question du format des équipages par rapport aux tâches qui leur sont demandées.

Mais pour certains analystes, cette hypothèse n’est sans doute la seule. Un facteur « extérieur », comme une cyberattaque, pourrait être la cause de ces incidents en série. « Nous envisageons toutes les possibilités. Comme nous l’avons fait avec l’USS Fitzgerald », a déclaré l’amiral Richardson.

Même chose pour l’amiral Scott Swift, le commandant de l’U.S. Pacific Fleet. Interrogé sur l’hypothèse d’une cyberattaque pour expliquer l’accident de l’USS John McCain, il a dit « n’écarter aucune piste ».

Cela étant, une autre piste a été avancée : un brouillage du système GPS afin de provoquer des erreurs dans le calcul de la position du navire. « Je crois que des pirates pourraient tenter de le faire. Et s’ils sont soutenus par un État, ils pourraient disposer des ressources nécessaires pour organiser ce type d’attaque », a expliqué, à l’AFP, Itar Glick, le Pdg de l’entreprise israélienne de cybersécurité Votiro.

Directeur des opérations de renseignement de la société américaine de cybersécurité Wapack Labs, Jeffrey Stutzman pense la même chose. Il « est entièrement possible » qu’une cyberattaque ait provoqué l’accident de l’USS John McCain. « Je serais très étonné s’il s’agissait d’un cas d’erreur humaine, pour la quatrième fois consécutive », a-t-il dit.

La technique consistant à brouiller le système GPS s’appelle le « GPS spoofing ». Mise en lumière par une équipe d’étudiants du Radionavigation Laboratory (Université du Texas), dirigé par Todd Humphreys, elle consiste à modifier les coordonnées GPS afin d’induire en erreur l’équipage d’un navire. Plusieurs cas ont été signalés en mer Noire, en juin dernier.

Cependant, d’autres experts sollicités par l’AFP en doutent. Pour Zachary Fryer-Biggs, consultant de Jane’s by IHS Markit, en cas d’anomalie avec le système GPS d’un navire, « d’autres mécanismes de sécurité sont là normalement pour prendre le relais, comme les tours de garde. » Et d’insister : « La collision ne peut survenir qu’en cas d’échec de plusieurs autres mécanismes. »

« L’armée US se sert d’un système GPS hautement sécurisé, hautement codé. Les risques de voir quelqu’un s’emparer du contrôle d’un bâtiment de guerre sont proches de zéro » a enchéri Daniel Paul Goetz, de la société américaine Lantium. Seulement, tel n’est pas forcément l’avis de Dan Coats, le directeur national du renseignement américain. Dans un rapport publié en mai dernier [.pdf], il a souligné que plusieurs pays (Russie, Chine, Iran, Corée du Nord) faisaientt des efforts pour  accroître « leurs capacités à perturber les communications et la navigation militaires. »

 

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