Un rapport du Sénat dénonce la dégradation de « l’état moyen des infrastructures de la défense »

Les chefs d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) successifs l’ont tous souligné lors de leurs différentes auditions parlementaires : l’état des casernes se dégrade, avec des logements pour les soldats « à peine décents ».

La raison est simple : malgré le plan « VIVIEN », lancé en 1996 mais jamais exécuté, ou encore les mesures prises en urgence par Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense en 2014, l’enveloppe allouée à l’entretien des infrastructures sert, comme celle dédiée aux équipements, de variable d’ajustement quand des coupes sont opérérés dans un budget des armées « taillé au plus juste ».

En dix ans, rappelait, l’an passé, le général Jean-Pierre Bosser, l’actuel CEMAT, l’effort de maintenance des bâtiment est passé progressivement de 6 à 2 euros du mètre carré. Or, pour des raisons sociales, sécuritaire et économiques, de plus en plus de soldats préférent habiter au sein de leur régiment. Une « tendance extrêmement lourde », avait-t-il dit.

Dans un rapport sur le parc immobilier du ministère des Armées, le sénateur (LR) Dominique de Legge a dénoncé cette dégradation continue de « l’état-moyens des infrastructures de la défense ». Et considérant que « pour que l’objectif de doter nos armées d’un budget correspondant à 2 % du PIB ait du sens, on ne peut pas laisser l’état des équipements et des infrastructures se dégrader, augmentant à terme les besoins », fait-il valoir.

D’autant plus que faire l’impasse sur l’entretien des bâtiments pour des raisons économiques relève de la gestion à la petite semaine (ou de courte vue). Et d’ailleurs, c’est sans doute ce qui explique en partie les raisons pour lesquelles les déficits ont du mal à être résorbés en France. [alerte « poète revendicatif » : « Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l’impatience d’un plaisir immédiat », a écrit Marcel Proust [fin de l’alerte « poète revendicatif »].

Le sénateur Dominique de Legge donne un exemple éloquent dans son rapport. Ainsi, à la base navale de Toulon, l’alimentation en eau coûte, chaque année, 3 millions d’euros, dont 2 millions sont « imputables à des fuites » sur le réseau de distribution. « Or, sa rénovation se traduirait par un coût estimé à plus de 60 millions d’euros, ne permettant de ‘rentabiliser’ l’opération qu’à l’issue d’une période de 30 ans », lit-on dans le document. Mais si le chantier avait été réalisé en temps et en heure, ces 2 millions d’euros serviraient à autre chose.

Par ailleurs, le parlementaire évoque aussi des « des bâtiments entiers dédiés au logement » qui sont « inutilisables en raison de leur insalubrité résultant d’un défaut de maintenance régulière » sur la base aérienne d’Orléans. Et d’ajouter : « Bien que d’importants travaux aient été entamés, certains dortoirs du lycée militaire d’Autun ou logements du camp du 2e Régiment d’Infanterie de Marine [RIMa] du Mans apparaissent très dégradés et les conditions sanitaires ne correspondent plus aux standards actuels de confort. Dans de nombreux cas, un entretien courant suffisant aurait pu
permettre d’éviter de telles situations. »

Pour M. de Legge, cette dégradation des infrastructures du quotidien, associée à la suractivité des militaires, ne peut qu’avoir « un impact défavorable sur le moral de nos forces. »

« Les investissements sacrifiés concernent le plus souvent des équipements de la vie quotidienne : hébergement, restauration, équipements sportifs, camps d’entraînement, etc., qui ne sont pas
considérés comme stratégiques d’un point de vue opérationnel, mais qui sont déterminants pour le bon fonctionnement des armées », écrit-il.

Ainsi, selon le chef de corps du 2e RIMa, cette situation expliquerait en partie « la très forte attrition de la ressource humaine dans les six premiers mois » alors que « l’objectif fixé étant d’atteindre un taux de fidélisation des soldats au-delà de cinq ans de 40 %, contre 20 % à 25 % aujourd’hui. »

Selon le ministère des Armées, les besoins supplémentaires en matière d’infrastructures à 6 ans sont passés de 79 millions d’euros en 2014 à près de 2,5 milliards en 2017. « L’intendance ne peut plus suivre », prévient le rapporteur, qui plaide pour « considérer la question de l’infrastructure comme une véritable priorité et d’en tirer toutes les conséquences en termes stratégiques, budgétaires, normatifs et de ressources humaines. »

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