Le porte-parole du gouvernement charge encore le général de Villiers, qu’il qualifie de « poète revendicatif »

À Istres, le 20 juillet, on eu droit au côté pile. Évoquant le général Pierre de Villiers, qui vient de démissionner de ses fonctions de chef d’état-major des Armées (CEMA), lors de son allocution prononcée devant les militaires de la base aérienne 125, le président Macron a tenu à lui rendre « un chaleureux hommage car il a été un grand soldat, aimé et admiré de ses subordonnés, et il vous a brillamment commandé pendant un peu plus de trois ans ».

La veille, lors de l’émission « Vélo Club », sur France 2, le président Macron avait affirmé qu’il n’était pas dans les attributions d’un chef d’état-major des armées de « défendre un budget ». Et de préciser : « C’est le rôle de la ministre des Armées ».

Cette sortie venait donc après la démission du général de Villiers, consécutive au recadrage (jugé humiliant) auquel il avait eu droit par le président Macron lors de la réception traditionnellement donnée par le ministère des Armées avant le défilé militaire du 14-Juillet. Au cours d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, l’ancien CEMA avait commenté vigoureusement l’annonce des coupes budgétaires de 850 millions d’euros devant affecter ses troupes. Ce qui lui valut le courroux de l’exécutif, chef de l’État (et des armées en tête).

Pourtant, et contrairement à ce que peuvent laisser croire les propos de M. Macron, le CEMA est bel et bien concerné par les questions budgétaires. l’article D3121-9 du Code de la Défense précise que le chef d’état-major des armées a un rôle dans la préparation du budget dans la mesure où il est « responsable du besoin opérationnel et s’assure de la cohérence capacitaire globale des armées : ressources humaines, équipements, organisation, soutiens, préparation, concepts et doctrines » et propose donc « au ministre les arbitrages nécessaires dans ces domaines. »

En outre, le CEMA « veille également au respect de la cohérence capacitaire dans l’exécution de la programmation militaire » et « propose au ministre les investissements nécessaires à la constitution des forces, à la préparation opérationnelle, à l’emploi et au soutien des armées, en veillant à leur cohérence physico-financière. » Le même article indique qu’il « participe à la préparation du budget du ministère, conduite par le secrétaire général pour l’administration, et propose au ministre les priorités à satisfaire au regard des missions assignées aux armées ». Enfin, il « élabore et exécute les programmes budgétaires placés sous sa responsabilité » et « contribue à la préparation des autres programmes budgétaires du ministère. »

En clair, le CEMA a un rôle à jouer dans les questions budgétaires. Et si, effectivement, il revient au ministre des Armées de le défendre devant la représentation nationale, rien ne lui interdit (et il doit même le faire) d’expliquer la situation et de dire la vérité aux députés et aux sénateurs pour qu’ils puissent voter les textes en toute connaissance de cause.

Cela ayant été précisé, la communication de l’exécutif concernant la démission du général de Villiers a aussi le côté face, qui n’est pas la plus belle. Après l’éloge, la charge. Cette dernière est venue de Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement.

Dans les colonnes du Figaro, ce 21 juillet, M. Castaner a dit que le général de Villiers avait été « déloyal » dans sa communication, sans plus de précision. « Son départ n’a rien à voir avec son audition par la commission de la Défense, le 12 juillet, même si il aurait pu s’imaginer que ses propos allaient fuiter, à moins de manquer d’expérience », a-t-il affirmé.

Et d’ajouter : « C’est son comportement qui a été inacceptable. On n’avait jamais vu un CEMA s’exprimer via un blog, ou faire du off avec des journalistes ou interpeller des candidats à la présidentielle, comme cela a été le cas. Il s’est comporté comme un poète revendicatif (sic). On aurait aimé entendre sa vision stratégique et capacitaire plus que ses commentaires budgétaires. »

Sans doute que M. Castaner fait référence aux « Lettres à un jeune engagé » que publiait chaque semaine le général de Villiers sur les réseaux sociaux et le site du ministère des Armées. En tout cas, s’il a l’adresse d’un « blog », beaucoup aimeraient la connaître. La teneur de ses textes n’étaient nullement ceux d’un « poète revendicatif » : l’ancien CEMA évoquait le métier des armes, avec style, certes, et une certaine érudition. Et, visiblement, personne n’y avait trouvé à redire jusqu’à présent. En tout cas, Jean-Yves Le Drian, l’ancien ministre de la Défense, ne l’a pas blâmé pour cette initiative. Et visiblement, cela n’avait pas empêché non plus le nouvel exécutif de le prolonger dans ses fonctions jusqu’au 31 juillet 2018.

Quant à l’interpellation des candidats à la présidentielle, il s’agit sans aucun doute de la tribune du général de Villiers publiée par Les Échos, en décembre 2016. Tribune qui ne faisait que reprendre ce qu’il disait depuis des mois (comme lors de l’université d’été de la Défense) sur la nécessité de porter les dépenses militaires à 2% du PIB (pensions comprises) d’ici 2022. Ce qui n’était manifestement pas une revendication inutile puisque M. Macron a lui même confirmé cet objectif pour 2025, en y retirant les pensions et les coûts des opérations, ce qui revient au même.

Enfin, M. Castaner aurait pu lire les comptes-rendus des auditions du général de Villiers devant les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale, ou bien encore ses interventions devant l’Institut des Hautes Études de la Défense nationale (IHEDN) : il y aurait vu la vision stratégique et capacitaire de l’ancien CEMA.

Le secrétaire d’État pourrait aussi se plonger dans les « Lettres à un jeune engagé » et y lire que « l’exemple élève » et que « l’exemplarité vis-à-vis de soi-même, ce combat quotidien qui nous permet de nous regarder dans la glace, le matin, et de grandir, un petit peu, chaque jour, porte un nom : l’honneur. »

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