Après la démission du général de Villiers, députés et sénateurs s’inquiètent pour le pouvoir de contrôle du Parlement

La démission du chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, due à un désaccord avec le président Macron (ou, est-il murmuré, avec le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler) a suscité de nombreux commentaires. Et le Sénat a été le plus prompt à réagir.

Cette affaire, exceptionnelle pour la Ve République, est partie d’une audition du général de Villiers devant les députés de la commission de la Défense. Là, commentant l’annonce sur le nouvel effort budgétaire demandé aux armées (850 millions d’euros), il a pleinement assumé ses fonctions en tenant un langage de vérité (certes fleuri) aux parlementaires. C’est ce qui lui a valu un recadrage en règle par le président Macron, qui a ainsi plus fait preuve d’autoritarisme que d’autorité.

Cela étant, le Sénat a été le plus prompt à réagir à la démission du général de Villiers.

Ainsi, la Haute Assemblée a « pu mesurer la très grande valeur du Général de Villiers, apprécier sa parole vraie, admirer son courage et son intégrité », ont fait valoir son président, Gérard Larcher (LR), ainsi que Christian Cambon (LR), le président de la commission des Affaires étrangères et de la défense.

« C’est un très grand serviteur de la Nation à qui la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat veut dire son estime et sa reconnaissance », ont-ils insisté, dans un communiqué. En outre, ils ont demandé que « droit à l’information du Parlement soit préservé » et que « les armées soient dotées des moyens de leurs missions. »

« Rappelant le droit absolu des commissions du Parlement à l’information, fondement de la démocratie, la commission estime qu’une remontée en puissance des moyens des armées est indispensable pour faire face aux menaces extérieures et intérieures, dans le droit fil de son rapport ‘2% du PIB’ : les moyens de la défense nationale », lit-on dans ce communiqué.

À l’Assemblée nationale, la commission de la Défense est aux abonnés absents… Il faut dire que son président, Jean-Jacques Bridey, s’était quelque peu avancé trop vite, la veille, en déclarant que le départ du général de Villiers « n’était pas d’actualité. »

Toutefois, proche de Jean-Yves Le Drian, l’ex-ministre de la Défense, le député Gwendal Rouillard a tenu à rendre hommage au général de Villiers. « Mon Général, je vous adresse chaleureusement ma considération, ma reconnaissance et mon amitié. Notre armée est notre Fierté! », a-t-il réagi.

Après l’annonce des coupes budgétaires devant affecter les Armées, M. Rouillard n’a pas mâché ses mots pour dire tout le mal qu’il en pensait, allant même jusqu’à dire que la question de la confiance était « posée ».

Mais la charge la plus violente est venue des rangs du groupe « Nouvelle Gauche ». Lors des questions au gouvernement, ce 19 juillet, son président, Olivier Faure, a commencé par faire l’éloge du général de Villiers, à qui il a rendu hommage « appuyé » au nom de ses collègues. « Son professionnalisme et son sens de l’honneur lui valaient à la fois le respect de ses hommes mais aussi, je l’espère, je le crois, de tous les parlementaires », a-t-il dit, avant de sortir l’artillerie lourde.

Car, pour M. Faure, cette démission ouvre une « double crise ». « D’abord, une crise de confiance entre le chef de l’État et nos armées. Le pouvoir politique affiche une volonté de fer contre le terrorisme, il envoit en première ligne nos soldats mais il ne leur donne plus les moyens de combattre aujourd’hui, d’assumer leurs missions en rompant avec l’effort budgétaire engagé sous le précédent quinquennat », a-t-il fait valoir.

Ensuite, le chef de file des socialistes à l’Assemblée a évoqué une « crise démocratique », à l’instar de MM. Larcher et Cambon. « Le recadrage, l’humiliation volontaire du chef d’état-major, au lendemain de son intervention devant notre commission de la Défense est aussi une violation des droits du Parlement », estime M. Faure. Et d’ajouter : « Le message ainsi adressé par le chef de l’État à tous ceux qui viendraient devant notre Assemblée est limpide : silence dans les rangs! Et ce message est forcément incompatible avec les missions de contrôle du Parlement. »

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