Les experts chargés d’enquêter sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun dénoncent des pressions politiques

Le 30 juin, l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a confirmé que du gaz sarin avait bel et bien été utilisé lors de l’attaque ayant visé la localité de Khan Cheikhoun, en Syrie, près de trois mois plus tôt. Attribuée au régime syrien par Washington (et Paris), la marine américaine avait alors lancé 59 missiles de croisière Tomahawk sur la base d’al-Shayrat à titre de représailles.

Pour leur rapport, les enquêteurs de la Mission d’établissement des faits (FFM) de l’OIAC ont dit avoir assisté à des autopsies de victimes, analysé des échantillons et interrogé des témoins de l’attaque. Et leur conclusion est sans appel : « un grand nombre de personnes, dont certaines sont mortes, ont été exposées au sarin ou à un produit de type sarin. »

Pour autant, ces experts n’ont désigné aucun responsable, leur rôle se limitant à seulement préciser le type de substance utilisée à Khan Cheikhoun, le 4 avril dernier. Il reviendra en effet à une commission réunissant des spécialistes de l’ONU et de l’OIAC [Joint Investigative Mechanism, JIM, ndlr] de préciser si, oui ou non, le régime syrien était bien derrière cette attaque.

Cela étant, ce rapport de l’OIAC a été critiqué par la Russie, pour qui ses conclusions reposent sur des « éléments extrêmement douteux ». Et le ministère russe des Affaires étrangères d’ajouter : « Le contenu de ce rapport est largement partial (…), ce qui nous conduit à penser que les activités de cette structure répondent à des consignes politiques. »

À Damas, l’ange d’attaque a été le même : la diplomatie syrienne a en effet avancé que ce rapport reposait sur « les témoignages de terroristes en Turquie », ce qui lui enlevait « toute crédibilité. » De quoi seraient donc mortes les personnes victimes de cette attaque? Les autorités russes et syriennes ne le disent pas…

Quoi qu’il en soit, les enquêteurs de la commission conjointe ONU/OIAC n’ont visiblement pas la partie facile. Leur rapporteur en chef, Edmond Mulet, a en effet dénoncé des pressions politiques à l’issue d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité, le 6 juillet.

« Nous recevons, malheureusement, des messages directs et indirects en permanence de plusieurs directions nous expliquant comment faire notre travail », a déclaré M. Mulet, devant des journalistes. « Certains messages sont très clairs et affirment que si nous ne faisons pas notre travail » selon leurs voeux, « alors ils n’accepteront pas nos conclusions », a-t-il continué.

L’an passé, la Russie avait ainsi remis en cause un rapport du JIM, lequel confirmait l’implication des forces syriennes dans au moins deux attaques au chlore ainsi que celle de l’État islamique (EI ou Daesh) pour l’utilisation de gaz moutarde. Les experts de l’ONU et de l’OIAC indiquèrent, dans le même temps, de ne pas être en mesure de déterminer les responsabilités pour 6 autres cas.

Aussi, les regards se tournent vers Moscou quand M. Mulet évoque des « pressions politiques ». Mais d’après l’enquêteur en chef du JIM, la Russie n’est pas la seule à jouer ce jeu-là. « Les messages viennent de partout », a-t-il dit. « S’il vous plaît, laissez-nous faire notre travail », avait-il demandé, plus tôt, aux membres du Conseil de sécurité. Les résultats de l’enquête sur l’attaque de Khan cheikhoun devraient être normalement connus en octobre prochain.

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