Pour le président Macron, « la déflagration mondiale est, pour les réalistes, une hypothèse sérieuse »

Va-t-on vers une troisième guerre mondiale? Poser cette question n’a rien d’incongru et ne vous classe pas parmi les adeptes de sectes apocalyptiques ou autres survivalistes qui voient un danger à chaque coin de rue. Ces derniers mois, plusieurs médias l’ont posée, comme l’a récemment fait France Culture.

En février, Slate a ainsi publié un article du politologue américain Robert Kagan qui prévenait d’une telle éventualité, en appelant à « mettre un frein aux ambitions de la Russie et de la Chine avant qu’il ne soit trop tard » car « les laisser décider de leurs sphères d’influence ne pourrait que mener à la catastrophe. »

Un mois plus tôt, Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’Union soviétique, a dit craindre une « troisième guerre mondiale » dans les colonnes de l’hebdomadaire Time. « Depuis plusieurs années, les relations entre les grandes puissances vont de mal en pis. Les partisans de l’armement et du complexe militaro-industriel se frottent les mains. […] C’est comme si le monde se préparait pour la guerre », a-t-il estimé.

Dans la même veine, Courrier International a traduit un article du site moscovite Vzgliad en se demandant si « la troisième guerre mondiale commencera à Kaliningrad », l’enclave russe coincée entre la Lituanie et la Pologne. Enfin, MSN.com a publié un portefolio montrant les « 20 signes que la troisième guerre mondiale a déjà commencé », en citant la faiblesse des organisations internationales, les disputes territoriales ou encore les politiques de puissance.

Cela étant, le dernier rapport de prospective du National Intelligence Council (*) ne va pas jusqu’à parler explicitement d’une telle issue. Mais il évoque des « dynamiques » qui « exacerbent les tensions entre pays, élevant ainsi le risque de conflit entre États au cours des cinq prochaines années. »

Et d’expliquer : « L’affaiblissement de l’Europe, l’incertitude sur le rôle que joueront les États-Unis sur la scène internationale et la remise en question des conventions de maintien de la paix et de respect des droits humains représentent des opportunités pour la Chine et la Russie. Cette situation encouragera également les agresseurs non gouvernementaux et apportera un nouveau souffle aux rivalités régionales, par exemple entre Riyad et Téhéran, Islamabad et New Delhi ou encore sur la péninsule coréenne. Les échecs de gouvernance contribueront aussi à développer un sentiment de menace et d’insécurité dans des pays comme le Pakistan et la Corée du Nord. »

Dans son discours prononcé devant le Parlement réuni en congrès, le 3 juillet, le président Macron a abordé, lui aussi, cette question. « Nous le savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois neuf et fidèle à sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile », a-t-il dit.

Aussi, a-t-il continué, « la déflagration mondiale n’est plus le spectre que brandissent les pessimistes : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. » Et de citer les « affirmations de puissance reviennent ou émergent », les « mouvements terroristes » qui « se développent dans de multiples régions avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance », les « guerres régionales », qui « atteignent des degrés nouveaux de barbarie », les « alliances d’hier qui s’effritent », un « ordre multilatéral qui doute de lui-même », des « autoritaires et les démocraties illibérales qui fleurissent » ou encore « l’espace cybernétique » qui « propage et amplifie les instruments de cette guerre du tout contre tous. »

Face à cette situation, la vocation de la France, a déclaré M. Macron, est de « savoir construire la paix et promouvoir la dignité des personnes » et d’agir « d’abord » pour protéger ses intérêts et sa sécurité. Ce qui passe par une action diplomatique afin de « construire les solutions politiques permettant la sortie de crise. »

« La France doit construire des équilibres multiples, même si parfois ils deviennent fragiles. Notre outil militaire revêt dans ces circonstances une importance majeure », a encore continué le locataire de l’Élysée.

Aussi, la revue stratégique de défense et de sécurité qu’il vient d’ordonner aura comme fils directeurs « les principes d’indépendance et d’autonomie de décision », avec l’accent mis sur la dissuasion, « clé de voûte de notre sécurité », la « protection de nos concitoyens et de nos intérêts » et « l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont menacées. »

« L’indépendance que j’appelle de mes vœux ne veut pas dire solitude. La France sera fidèle à toutes ses Alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet engagement qui font honneur à notre pays. Vous le voyez, les menaces n’ont jamais été si grandes », a conclu le président Macron.

(*) Le monde en 2035 vu par la CIA – Éditions des Équateurs – 12 euros

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