L’exploit d’un tireur d’élite canadien en Irak suscite une polémique à Ottawa

La semaine passée, Ottawa a confirmé qu’un tireur d’élite de la Joint Task Force 2 (ou Deuxième Force opérationnelle interarmées – FOI 2), principale unité des forces spéciales canadiennes, avait abattu un jihadiste en Irak avec un tir de 3.450 mètres, annihilant ainsi une attaque de l’État islamique (EI ou Daesh) contre une position des troupes irakiennes.

Si l’histoire ne dit pas s’il a utilisé ou non une balle du type « Exacto« , toujours est-il que cet opérateur a réalisé un exploit qui, selon Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, doit être « célébré en raison de l’excellence des Forces canadiennes, de leur formation, de la façon dont elles s’acquittent de leurs obligations. »

Seulement, tout le monde n’est pas de cet avis au sein de la classe politique canadienne. « Je n’aurais jamais pensé que j’entendrais un premier ministre du Canada dire qu’il faut célébrer la mort d’un être humain. Ça ne fait pas partie de mes valeurs », lui a en effet répondu Thomas Mulcair, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Mais c’est la nature de la mission des forces armées canadiennes (FAC) en Irak qui fait débat.

L’opération Impact (nom de la contribution du Canada à la coalition anti-jihadiste) a pour tâches de participer aux opérations aériennes (via un ravitailleur en vol CC-150T Polaris et un avion de patrouille CP-140 Aurora), d’entraîner et d’aider les forces de sécurité irakiennes tout en renforçant les capacités de ces dernières, de fournir des services médicaux et d’appuyer la coalition « par l’entremise de membres des FAC hautement qualifiés ».

Mais pour le chef de file du NPD, les militaires canadiens déployés au sol ont une mission de combat qui n’est pas dans leur mandat. « C’est difficile de voir l’autodéfense à 4 kilomètres. Mais, quoi qu’il en soit, on n’est pas supposés être sur la ligne de front », a lancé M. Mulcair. « Les deux ne peuvent pas être vrais. Ça ne peut pas être vrai qu’on peut tirer directement sur l’ennemi de la ligne de front et qu’on n’est pas impliqué dans une mission de combat. C’est une contradiction totale », a-t-il ajouté.

« Quand un tireur d’élite tire sur une cible qui est à 3,5 kilomètres, il n’est pas en position de protection rapprochée des Irakiens. On parle de quelqu’un qui a pris la peine d’engager une cible. Si ce n’est pas du combat, je me demande ce que c’est », a, de son côté, estimé le conservateur Pierre Paul-Hus, ancien officier d’infanterie et vice-président du Comité permanent de la Défense nationale.

Cependant, M. Trudeau a rappelé que la mission des forces canadiennes auprès des troupes irakiennes, en particulier les combattants kurdes irakiens (Peshmergas) « a toujours compté un élément de défense des troupes canadiennes et de nos partenaires au sein de la coalition. » Et d’insister : « Cela représente une composante intégrale de cette mission. »

Et sur ce point, il est difficile de ne pas lui donner raison : avant son arrivée à la tête du gouvernement, les forces spéciales canadiennes ont connu plusieurs accrochages avec les jihadistes dans le nord de l’Irak. Et au cours de l’un d’entre eux, l’un des leurs, le sergent Andrew Doiron, y a laissé la vie, après avoir été touché par un « tir ami ».

En octobre, le brigadier-général Peter Dawe, commandant adjoint des Forces d’opérations spéciales, avait expliqué que la mission était devenue « plus offensive » étant donné que les militaires canadiens accompagnaient les Peshmergas sur la ligne de front pour leur donner les conseiller et leur prêter assistance. « C’est un environnement plus fluide, plus dynamique et, par conséquent, on se retrouve sur la ligne de front plus souvent. […] Ça devient un petit peu plus la norme. […] Et par conséquent, le niveau de risque pour nos troupes a augmenté », avait-il expliqué.

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