Les tensions entre Djibouti et l’Érythrée au sujet de la zone de Ras Doumeira se réveillent

La brouille diplomatique entre plusieurs pays musulmans, emmenés par l’Arabie Saoudite, et le Qatar a une conséquence inattendue. En effet, l’émirat a décidé, cette semaine de retirer les troupes qu’il avait déployées en 2010 (450 hommes) à la frontière entre l’Érythrée et Djibouti, précisément dans la zone de Ras Doumeira, objet d’un vieux contentieux entre les deux pays.

Deux ans plus tôt, les forces érythréennes et djiboutiennes s’étaient brièvement opposées en juin, la France ayant apporté un appui aux secondes, en leur fournissant des moyens logistiques et du renseignement.

Les raisons de ce retrait qatari n’ont pas été précisées. Il pourrait s’agir, pour Doha, de « punir » l’Érythrée et Djibouti pour leur soutien à l’Arabie Saoudite. Ou alors, cette décision, a estimé Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS, pourrait être « une concession symbolique pour apaiser la lutte d’influence géopolitique avec Riyad, très présent dans cette zone de la mer Rouge. » Influence qui, par ailleurs, va être accrue après la cession, par l’Égypte, des îles stratégiques de Tiran et Sanafir, situées à la sortie du golfe d’Aqaba.

Quoi qu’il en soit, ce retrait des troupes qataris a eu pour conséquence immédiate une résurgence des tensions entre l’Érythrée et Djibouti. Le 15 juin, le ministre djiboutien des Affaires étrangères, Mahmoud Ali Youssouf, a accusé Asmara d’avoir « déployé des forces » la région de Ras Doumeira, zone stratégique djiboutienne située sur le détroit de Bal el Mandeb.

« Djibouti est un pays pacifique et nous donnons la priorité aux solutions diplomatiques. Mais si l’Erythrée persiste dans sa recherche de solutions militaires, Djibouti est prêt à cette éventualité », a prévenu M. Youssouf.

De son côté, l’Érythrée, pays fermé dirigé d’une main de fer par le président Issaias Afeworki, a dit refuser de répondre « informations – factuelles et spéculatives – produites ces derniers jours. » Et d’ajouter : « Le gouvernement érythréen fera savoir son point de vue quand il aura obtenu des informations complètes sur l’ensemble de cette histoire. »

Ces nouvelles tensions entre les deux pays préoccupent l’Union africaine (UA), d’autant plus que l’Érythrée et Djibouti ont été en guerre à deux reprises – en 1996 et en 1999 – à cause de ce différend territorial portant sur Ras Doumeira.

« La commission de l’UA, en étroites consultations avec les autorités djiboutiennes et érythréennes, a entrepris de déployer une mission à la frontière érythréo-djiboutienne pour établir les faits », a ainsi indiqué, le 17 juin, son président, Moussa Faki Mahamat, lequel a appelé au « calme et à la retenue ».

« Le président de la commission se tient à la disposition de Djibouti et de l’Erythrée pour les aider à normaliser leurs relations et promouvoir des relations de bon voisinage », a-t-il ajouté.

Ces tensions sont susceptibles de concerner les forces françaises stationnées à Djibouti, dans la mesure où l’un de leurs mission consiste à « mettre en œuvre la coopération militaire bilatérale avec » ce pays « en contribuant à la défense du territoire djiboutien, de son espace aérien et de ses eaux territoriales et en se tenant prêtes à fournir, si besoin, un appui aux opérations de secours sur terre et en mer. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]