Dassault Aviation se dit ouvert à des coopérations en Europe, mais pas à n’importe quelle condition

La semaine passée, la ministre des Armées, Sylvie Goulard, a expliqué que, pour « faire l’Europe de la Défense », il serait souhaitable d’acquérir du « matériel en concertation les uns avec les autres », ce qui « obligera à casser certaines routines et certaines facilités industrielles. »

Et Mme Goulard d’ajouter qu’il y aurait ainsi des « restructurations à opérer, des choix de compatibilité [à faire] et, à terme, des choix de souveraineté augmentée qui pourraient passer dans un premier temps pour aboutir à privilégier des consortiums dans lesquels les Français ne sont pas toujours leaders. »

Si l’on considère les différents programmes de frégates ou de véhicules blindés (voire d’avions de combat) qui ont été lancés au sein de l’Union européenne au cours de ces 15 ou 20 dernières années, l’idée de consolider l’industrie de l’armement du Vieux Continent n’est pas saugrenue. Seulement, elle ne sera pas si simple à mettre en musique. Notamment pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire française. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors d’un entretien publié par Le Figaro, ce 16 juin.

Cela étant, le constructeur du Rafale n’est pas fermé à toute idée de coopération au niveau européen. « Je crois qu’il est important d’essayer de partager certains efforts », a dit M. Trappier. Mais pas à n’importe quelle condition.

« Ces coopérations doivent répondre à des règles simples et de bon sens pour éviter les déconvenues passées, avec comme ambition de rechercher toujours la performance », a expliqué le Pdg de Dassault Aviation.

La « définition commune des besoins exprimés par les militaires » est primordiale car « on ne peut plus avoir autant de versions de matériels que de partenaires, au risque de perdre tout l’intérêt de la mutualisation » est l’une de règles évoquées par M. Trappier. Une autre est que chaque programme doit « comporter un financement prévu ab initio par les États, avec des engagements dans la durée qui seuls créeront de l’interdépendance véritable. »

Enfin, selon M. Trappier, il faut rompre avec la logique du principe du « juste retour » dans le partage des tâches entre pays européens, ce qui suppose de choisir les partenaires industriels en fonction de leurs compétences et non sur la base de leur nationalité. Enfin, il est tout aussi nécessaire d’avoir une « maîtrise d’ouvrage clairement identifiée » et un « maître d’œuvre industriel légitime. »

« C’est le modèle qui a été appliqué pour le programme nEUROn dans lequel nous avons réussi à faire coopérer six pays pour réaliser le premier démonstrateur européen de drone de combat furtif. Et cela pour un budget contraint de 400 millions d’euros », a fait valoir M. Trappier.

Sinon, si ces règles ne sont pas respectées, alors « le risque est grand de mettre en danger des projets, de ne pas satisfaire les militaires parce que les performances ne seront pas au rendez-vous et de faire le jeu d’achat de matériels sur étagère aux États-Unis », a estimé M. Trappier. Évidemment, on pense aux déboires de l’avion de transport européen A400M « Atlas », développé par Airbus…

Par ailleurs, M. Trappier a aussi défendu l’idée qu’il faut « continuer à avancer » en matière de défense européenne. Mais là encore, il faut être pragmatique, « en progressant à pas sûrs, donc à petits pas », a-t-il dit. « Je note que beaucoup de nos voisins ont acheté des équipements américains. Ils y voient une assurance politique et stratégique. C’est un fait. Mais à l’avenir, l’Europe doit pouvoir renforcer son autonomie stratégique ; les Européens y retrouveront leurs intérêts », a-t-il plaidé.

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