Un grand soldat vient de nous quitter

Il se sera illustré dans toutes les guerres menées par la France entre 1940 et 1965. Le chef de bataillon (CBA) Gildas Lebeurier, dit « Gil », nous a quittés le 2 juin dernier. Son avis de décès a été publié par sa famille dans le carnet du Figaro, une semaine plus tard.

Né le 22 mars 1925, Gildas Lebeurier a 17 ans quand, avec Émile Guégen, il forme avec des camarades de lycée un groupe de résistants. Groupe qui participera à plusieurs actions menées dans la région de Plourin-les-Morlaix, en Bretagne, avant de rejoindre le maquis FFI de Saint-Laurent en Plouégat-Guérand.

Sous-lieutenant à « titre fictif », Gildas Lebeurier commande le Groupe Franc Libération Nord et prend part à la libération de Morlaix, le 8 août 1944, puis aux combats de la poche de Lorient, en 1945, après avoir rejoint le 118e Régiment d’Infanterie (RI). Blessé à deux reprises lors de ses actions au sein de la Résistance, il reçoit deux citations, dont une à l’ordre de l’Armée. Puis il est nommé sous-lieutenant de réserve.

Mais le jeune homme n’entend pas quitter l’uniforme. Il commence une carrière de parachutiste, d’abord à Lannion, puis à Pau avant d’être nommé lieutenant d’active le 10 juin 1947. Près d’un an plus tard, il part en Indochine. Affecté au 2e Bataillon colonial de commandos parachutistes (BCCP), il est fait chevalier de la Légion d’Honneur le 30 décembre 1948. Et il ne manque pas de distinguer à nouveau dans les rizières indochinoises : il se voit décerner deux autres citations, dont une à l’ordre de l’Armée.

De retour en France en 1950, le lieutenant Lebeurier ne tardera pas à repartir en Asie. Cette fois en Corée, avec le Bataillon français de l’ONU (BF/ONU) du général Monclar. Et, à Wonju, localité située à environ 145 km à l’est de Séoul, et dans des conditions métérologiques difficiles (l’hiver y est alors d’une rigueur extrême), le jeune officier va mener ce qui sera la dernière charge à la baïonnette de l’armée française.

Le journaliste Erwan Bergot [qui écrit « Lebeurrier »] raconte : « Wonju, 10 janvier 1951. ‘Baïonnette au canon! À l’assaut!’ À la suite de leur chef, le lieutenant Lebeurier, les 25 volontaires s’élancent à la l’attaque. Après un bref et brutal corps à corps sur un piton enneigé, ils culbutent une compagnie nord-coréenne fanatisée qui s’accrochait depuis le matin. C’est un exploit d’autant plus remarqué qu’il s’est déroulé sous les yeux des deux plus grands correspondants de guerre américains, stupéfaits. Dans quelques jours, ‘la charge à la baïonnette, des Français à Wonju’ va devenir légendaire et leur bataillon, gagner son billet d’entrée dans le club ultra-fermé des unités d’élite servant en Corée sous la bannière des Nations unies. »

Pour ce fait d’arme, mené, d’après l’anecdote, au cri de « mort aux cons », le lieutenant Lebeurier recevra la Silver Star américaine. Puis, gravement blessé par un obus de mortier, il sera rapatrié en France en février 1951. Affecté à l’inspection des troupes aéroportées (TAP) durant sa convalescence, il enchaînera diverses affectations pendant les 5 années suivantes. Promu officier de la Légion d’Honneur (1955) et capitaine (1956), il retrouve le 2e Régiment de parachutistes coloniaux (ex-2e BPCC, qui deviendra 2e RPIMa).

Son régiment étant engagé dans l’expédition du Canal de Suez (fin octobre 1956), le capitaine Lebeurier enlève, à la tête de sa compagnie, et sans coup férir, la caserne des fedayins de Port Fouad. De retour en Algérie, il est promu commandeur de la Légion d’Honneur le 14 juillet 1959. À l’issue de son séjour en Afrique du Nord, il compte cinq citations de plus (dont 4 à l’ordre de l’Armée).

En 1960, Gildas Lebeurier prend la tête des Nageurs de Combat, si chers à Robert Maloubier. Mais dans le cadre de l’affaire algérienne (et des tensions qu’elle suscitent alors dans les rangs de l’armée), l’officier est relevé de son commandement le 4 décembre 1962, puis est rayé du tableau d’avancement au titre de l’année 1963. Finalement, il sera mis hors des cause. Début 1964, il est mis en disponibilité pour deux ans avant de quitter le service actif. Il sera promu chef de bataillon au titre de la réserve en octobre 1981.

Ce n’est qu’en 2005 que Gildas Lebeurier sera élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur. « C’était un type formidable, le plus intelligent que j’ai jamais connu. Il a fait toutes les guerres (39-45, l’Indochine, la Corée, Suez et l’Algérie), ce qui lui a valu de hautes distinctions. J’ai toujours eu énormément de respect pour lui », a témoigné, dans les colonnes du Télégramme, Marcel Le Jeune, qu’il a connu à l’époque du maquis de Saint-Laurent.

Photo : Le CBA Lebeurier (c) Fédération nationale des associations parachutistes

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