Plusieurs pays arabes annoncent la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar

Fin mai, le Qatar affirma que son agence de presse officielle, QNA, avait été victime d’une attaque informatique ayant eu pour objectif de diffuser de « faux propos » prêtés à son émir, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani. Et l’émirat, qui abrite une importante base aérienne américaine sur son sol, de dénoncer une « cyberattaque honteuse », s’inscrivant dans le cadre d’une « campagne médiatique hostile » à son encontre, menée « notamment aux États-Unis. » Le 2 juin, on apprenait que des enquêteurs du FBI avaient été envoyés à Doha pour aider à identifier les auteurs de ce piratage.

Quant aux « faux » propos diffusés, ils avaient de quoi susciter la controverse dans la mesure où ils marquaient une rupture avec le consensus régional, notamment au sujet de l’Iran (décrit comme un allié stratégique) et contenaient des commentaires peu amènes sur l’administration américaine, faits deux jours après une rencontre, à Riyad, entre le président Trump et cheikh Tamim.

Cette affaire d’attaque informatique est-elle à l’origine de la crise diplomatique qui vient d’éclater entre le Qatar et trois pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont il fait partie, et l’Égypte? Probablement étant donné que l’Arabie Saoudite, Bahreïn et les Émirats arabes unis ont mis en doute la version avancée par Doha.

En tout cas, ce 5 juin, ces derniers ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec Doha, qu’ils accusent de « soutenir le terrorisme », y compris al-Qaïda, l’État islamique (EI ou Daesh) et la confrérie des Frères musulmans, persona non grata depuis 2014 à Riyad, Abu Dhabi et Manama.

En outre, l’agence officielle saoudienne SPA a précisé que l’Arabie Saoudite allait fermer ses frontières terrestres, aériennes et maritime avec le Qatar afin de « protéger sa sécurité nationale des dangers du terrorisme et de l’extrémisme. »

« L’Arabie saoudite a pris cette mesure décisive en raison des sérieux abus des autorités de Doha tout au long des dernières années (…) pour inciter à la désobéissance et nuire à sa souveraineté », a expliqué un responsable saoudien. « Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daesh et al-Qaïda », a-t-il ajouté.

Et, toujours selon ce responsable saoudien, le Qatar soutiendrait les « activités de groupes terroristes soutenus par l’Iran dans la province de Qatif », où est établie une importante communauté chiite, ainsi qu’à Bahreïn, en proie à des troubles depuis 2011 alimentés par la rivalité entre chiites et sunnites.

Cette rupture des relations diplomatiques suppose également l’exclusion du Qatar de la coalition militaire qui, dirigée par l’Arabie Saoudite, intervient actuellement au Yémen pour soutenir le président Abd Rabbo Mansour Hadi, dont les troupes combattent des rebelles houthis, soutenus par l’Iran.

D’ailleurs, le gouvernement yéménite, reconnu par la communauté internationale, a, à son tour, rompu les relations diplomatiques avec Doha. « Les agissements du Qatar à l’égard des milices putschistes [houthies] et son soutien à des groupes terroristes deviennent clairs », a-t-il fait valoir.

Et Le Caire a aussi « décidé de mettre fin à ses relations diplomatiques avec l’État du Qatar », qui, selon le communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères, « insiste à adopter un comportement hostile vis-à-vis de l’Égypte. » En conséquence, le pays est désormais fermé à « tous les moyens de transport quataris ».

Le texte diffusé par la diplomatie égyptienne ne prend pas de gants. Après avoir évoqué « l’échec de toutes les tentatives pour dissuader [le Qatar] de soutenir les organisations terroristes », dont la confrérie des Frères musulmans, il accuse Doha « d’ingérence » dans les affaires internes à l’Égypte et « d’abriter des dirigeants (des Frères musulmans) qui font l’objet de condamnations judiciaires pour des opérations terroristes. »

Le contentieux entre l’Égypte et le Qatar remonte à la destitution, en 2013, du président égyptien Mohamed Morsi qui, issu des Frères musulmans, étaient soutenu par Doha, et de la répression de ses sympathisant qui avait suivi. En outre, Le Caire voit d’un mauvais oeil l’appui que les autorités quataries (et turques) apportèrent aux milices islamistes libyennes (dont Fajr Libya). Les deux pays connurent d’autres tensions en février 2015, après des frappes de l’aviation égyptienne contre des camps jihadistes à Derna (est libyen), suite à l’assassinat de chrétiens coptes par l’État islamique.

De son côté, le Qatar a réagi en dénonçant des mesures « injustifiées » et « sans fondement », prises « en coordination avec l’Egypte », avec l’objectif « clair » de « placer l’État [du Qatar] sous tutelle », ce qui « marque une violation de sa souveraineté » et est « totalement inacceptable ».

Le Qatar « respecte la souveraineté des autres Etats, n’interfère pas dans les affaires d’autrui, comme il lutte contre le terrorisme et l’extrémisme », a fait valoir le ministère quatari des Affaires étrangères, qui parle d’une d' »une campagne hostile, fondée sur des mensonges (…) témoignant d’une préméditation à nuire » à Doha. Et d’ajouter : Le Qatar « entreprendra les mesures nécessaires pour mettre en échec les tentatives d’affecter sa population et son économie. »

L’Iran a également réagi à cette crise diplomatique. « La rupture des relations diplomatiques et la fermeture des frontières n’est pas une manière de résoudre la crise. Comme je l’ai déjà dit, l’agression et l’occupation n’auront pas d’autre résultat que l’instabilité », a en effet dclaré Hamid Aboutelabi, le chef de cabinet adjoint du président iranien, Hassan Rohani.

Enfin, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, a appelé les pays arabes, en particulier ceux du CCG, de rester unis. Enfin, il a déclaré qu’il ne s’attend pas à cette crise « ait un impact significatif, ou d’impact du tout, sur le combat uni contre le terrorisme dans la région et dans le monde. » Et d’ajouter : « Toutes ces parties que vous avez mentionnées se sont montrées tout à fait unies dans le combat contre le terrorisme et contre l’EI, et l’ont exprimé le plus récemment lors d’un sommet à Riyad. »

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