Le colonel Frédéric Geille, « père » des troupes aéroportées françaises

Cette semaine, l’armée de l’Air a commémoré le 80e anniversaire de la création des 601e et 602e Groupes d’Infanterie de l’Air [le Commando parachutiste de l’air n°10 a hérité des traditions du second] lors d’une cérémonie organisée sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy.

En réalité, la création de ces deux unités a eu lieu en avril 1937, sur la base de l’instruction ministérielle Air n°2200/I/O/EMMA signée par Pierre Cot, alors ministre du Front populaire. Et un homme y a tenu un rôle crucial : le colonel Frédéric Geille, considéré comme étant le « père » des parachutistes français.

Né le 19 novembre 1896 à Brest, Frédéric Geille ne se destinait pas à faire une carrière militaire. Étudiant aux Beaux-Arts quand éclate le premier conflit mondial, il s’engage, 20 novembre 1914, au 41e Régiment d’Infanterie (RI) « pour la durée de la guerre ».

C’est ainsi qu’il prend part aux combats des Éparges, d’Argonne, de Verdun et de Champagne. En mai 1917, il obtient une citation pour avoir « pris le commandement de son unité et par son énergique intervention a amené le repli de l’ennemi » alors qu’il était le seul gradé survivant de sa section.

Nommé sous-lieutenant au feu, Frédéric Geille rejoint, à sa demande, l’aviation. Breveté observateur, il est affecté à l’escadrille BR7, dotée de Bréguet XIV. Il a ainsi l’occasion de se distinguer « à plusieurs reprises en réussisant des missions délicates autant que périlleuses au-dessus des lignes ennemies », comme le soulignera le texte d’une nouvelle citation qui lui sera attribuée.

À la fin de la guerre, Frédéric Geille reste finalement dans l’armée. Nommé définitivement sous-lieutenant, il part en Pologne au sein de l’escadrille SAL 39, avec « l’Armée bleue » du général Józef Haller, alors engagée contre la Russie soviétique. Là encore, le jeune officier fait preuve « d’une énergie à toute épreuve et d’une grande ténacité. »

Rentré en France, le sous-lieutenant Geille finit par obtenir son brevet de pilote militaire. Après avoir servi en Afrique du Nord et au Liban (au 39e Régiment d’Aviation), il est promu capitaine en 1927. Puis, il passe quelques années l’état Major de la 22e Escadre, à Chartres.

Mais un événement va éveiller son intérêt : en 1934, devant de nombreux observateurs étrangers, les Soviétiques font sauter en parachute, dans la région de Kiev, deux bataillons – avec des moyens légers d’artillerie – qui, dans le cadre de grandes manoeuvres, s’emparent rapidement d’une petite ville qui leur avait été désignée. L’Armée rouge venait de reprendre à son compte une idée émise dès 1918 par le commandant Ernest Évrard. Une intuition que ne souleva guère l’enthousiasme de l’état-major à l’époque…

Quoi qu’il en soit, les capitaines Geille et Durieux (également pilote) ainsi que le chef de bataillon Chalret du Rieu obtiennent d’être envoyés en URSS pour étudier les techniques de saut des Soviétiques.

Stagiaire à l’école de Tuchino, près de Moscou, Frédéric Geille obtient le brevet d’instructeur en chef de parachutisme n°3. De retour en France, il est rejoint par le « Kapitan » Kaitanoff, qui, parachutiste chevronné de l’Armée rouge, officie en tant que conseiller technique.

Ce dernier sera à l’origine d’une anecdote surprenante. À Villacoublay, lors d’une campagne d’essais qui consistaient à larguer des manequins en vue d’homologuer des parachutes, l’un d’eux ne s’ouvre pas. L’officier soviétique examine alors les suspentes et la voilure de l’exemplaire défectueux, le replie avant de s’en harnacher et de monter dans l’avion pour… sauter avec. L’homologation fut ainsi faite…

Après cette épisode, le capitaine Geille est chargé de mettre en place le premier centre français d’instruction de parachutisme. Il en prend le commandement en septembre 1935. Installée à Avignon-Pujaut, cette école de saut doit former les premiers cadres parachutistes qui seront ensuite affectés aux futurs 601e et 602e GIA, que l’officier contribuera à créer en tant que contrôleur permanent de l’instruction technique du parachutisme pour les deux groupes.

Par ailleurs, le capitaine Geille met au point la doctrine d’emploi de ces nouvelles unités et s’offre même le luxe d’établir deux records : un saut à l’arraché de 35 mètres de hauteur et celui ayant consisté à effectuer 12 sauts en 1h45.

En 1938, donc peu après la création des 601e et 602 GIA (à Reims et à Maison Blanche, en Algérie), le commandant Geille retrouve l’aviation de chasse après avoir été affecté à la 2e Escadre, au sein de laquelle il créé le IIIe groupe. Le 13 juin 1940, après avoir mené avec succès la première attaque aérienne au sol d’engins blindés, il est abattu en flammes par un Messerchmitt Bf109. Gravement brûlé, il parvient quand même à s’extraire de son avion en parachute. Remis de ses blessures, il est envoyé à Alger pour prendre le commandement du IIIe groupe de la 6e escadre, puis celui de la base aérienne de Ouakam (Sénégal) avant d’être placé en position de non-activité par le régime de Vichy.

Mais en 1943, le lieutenant-colonel Geille reprend du service pour participer à la libération de la France. Nommé colonel, il prend le commandement du 1er Régiment de chasseurs parachutistes, qu’il conduira au feu. Puis, en novembre 1944, il est affecté à l’état-major de l’armée de l’Air, avec la tâche de créer de nouvelles unités de parachutistes. Finalement, il quittera définitivement l’uniforme en mai 1950, après avoir fondé la Fédération nationale des parachutistes français.

Commandeur de la Légion d’Honneur et titulaire de pas moins de huit citations, « inventeur » des actuels chuteurs opérationnels, le colonel Geille s’est éteint le 21 juillet 1976 à Saint-Germain-en-Laye. Il incarnait un « type légendaire de bravoure et de bonne humeur » tout en étant un « remarquable entraîneur d’ hommes. »

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