Un rapport du Sénat s’inquiète du risque de « sur-spécification » du futur drone MALE européen

Le 28 septembre 2016, l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’ARmement (OCCAR) notifiait à à Airbus, Dassault Aviation et Leonardo (ex-Finmeccanica) un contrat portant sur l’étude de définition du futur drone MALE européen, appelé MALE RPAS (Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System). Il s’agissait là d’une étape importante franchie par ce programme qui, vigoureusement défendu par Jean-Yves Le Drian, à l’époque où il était ministre de la Défense, pourrait représenter, à terme, un milliard d’euros d’investissements.

À l’issue de cette phase d’étude de définition, financée à hauteur de 60 millions d’euros (les trois pays impliqués ayant chacun mis 20 millions sur la table), le développement d’un prototype pourra alors commencer, avec un premier vol espéré en 2023 et pour une livraison des premiers systèmes deux ans plus tard.

« Le MALE RPAS sera un système aérien sans pilote de nouvelle génération dédié aux missions armées de renseignement, surveillance, ciblage et reconnaissance (ISTAR). Son intégration au trafic aérien et sa certification en vue d’opérer dans l’espace aérien extrêmement dense de l’Europe font partie des principaux objectifs distinctifs de ce programme », avaient alors assuré les trois industriels partenaires, via un communiqué commun.

Après l’échec du Talarion (EADS/Airbus) et du Telemos (Dassault Aviation/BAE Systems), vise surtout à établir une filière européenne autonome dans le domaine des drones MALE, lequel est actuellement dominé de la tête et des épaules par les États-Unis et, dans une moindre mesure, par Israël.

Ce MALE RPAS devrait remplacer (ou renforcer) les MQ-9 Reaper qui, de facture américaine, sont mis en oeuvre par les forces françaises et italiennes ainsi que les Heron TP israéliens que l’Allemagne va louer.

Et c’est d’ailleurs un premier point soulevé par le rapport [.pdf] que viennent de rendre les sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger. « Si le projet MALE RPAS devait ne pas aboutir, ou avancer à un rythme trop lent, il est probable qu’il faudrait envisager l’achat d’équipements américains supplémentaires, pour répondre à un besoin croissant tant militaire que civil », font-ils valoir.

En outre, pour les deux rapporteurs, ce drone européen devra absolument se distinguer du MQ-9 Reaper américain « soit par des spécifications supérieures, soit par un coût moindre. » En un mot, il devra être très compétitif. Seulement, aux États-Unis, on ne reste pas les bras croisés : la prochaine génération de drones MALE est en cours de développement, avec des capacités et surtout une autonomie accrues, comme l’a récemment montré le MQ-9B SkyGuardian de General Atomics, capable de rester en l’air pendant 48 heures. Et un autre aspect à prendre en compte est la qualité des capteurs embarqués.

Mais pour MM. Perrin et Roger, le coût du MALE RPAS « devra être raisonnable pour ne pas faire peser un risque sur la viabilité du programme. » Selon eux, « dans le cas de spécifications semblables à celles des drones Reaper », il serait raisonnable que le coût unitaire par système du drone européen soit « de l’ordre 80 à 100 millions d’euros », soit quasiment deux fois moins que celui de l’appareil américain. Et « le coût de soutien de ce futur drone MALE devra également être maîtrisé, comparable au coût d’exploitation du Reaper », ajoutent-ils.

Par ailleurs, d’après les visuels de cet appareil diffusé par Airbus, l’on remarque qu’il devrait être propulsé par deux moteurs. Un choix peu pertinent pour les sénateurs.

« Le choix d’un véhicule à deux moteurs risquerait notamment d’aboutir à un produit final trop coûteux, ne trouvant pas sa place sur le marché. Cette double motorisation aurait pour conséquence un aéronef 40 % à 50 % plus lourd. Elle n’est du reste pas requise par les règles de certification Otan », estiment en effet les rapporteurs, qui se disent « très inquiets du risque de sur-spécification du drone MALE européen, mettant en danger sa compétitivité et donc la viabilité du programme. »

« S’agissant des performances, il faudra les envisager moins sur le vecteur que sur l’ensemble de la chaîne de mission (capteurs, transmission et traitement de l’information…). Des apports technologiques pourront être recherchés aussi bien sur les capteurs optroniques, radar et ROEM de dernière génération que sur les moyens de communication (haut débit, furtivité, flexibilité…) offrant une connectivité optimum », expliquent MM. Perrin et Roger.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]