Les sénateurs veulent ouvrir un débat public sur les drones MALE armés

Plusieurs pays alliés de la France ont fait le choix d’armer leurs drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance). C’est évidemment le cas des États-Unis, où cette question fait l’objet de discussions, notamment au sujet des frappes ciblés effectuées contre des cadres terroristes, mais aussi celui du Royaume-Uni, de l’Italie, voire de l’Allemagne, qui va louer 5 appareils israéliens de type Heron TP pouvant emporter des missiles.

L’opportunité d’armer ou pas des drones MALE ne fait pas, en France, matière à débat. En octobre 2012, l’amiral Édouard Guillaud, alors chef d’état-major des armées (CEMA), avait confié, lors d’une audition au Sénat, qu’il était « au départ contre les drones armés, pour des raisons morales » avant d’être convaincu du contraire après avoir vu de tels appareils à l’oeuvre « lors des offensives de Benghazi et de Misrata », un an plus tôt.

Puis, en 2015, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait affirmé que la question d’armer les drones de surveillance MQ-9 Reaper de l’armée de l’Air « restait posée ». Une position qu’il réaffirma un an plus tard. « Demandons-nous cependant ceci : quelle différence existe-t-il entre un missile tiré depuis un avion de chasse et un missile tiré depuis un drone? », avait-il demandé, avant de s’interroger sur « le débat public que cette question pouvait susciter. »

Ce débat public, les sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger, auteurs d’un rapport [.pdf] sur la question, estiment que le temps est venu de l’ouvrir. Et pour cela, il convient d’abord d’en poser les bases, en commençant par « distinguer clairement les drones des robots », étant donné que « cette distinction a des conséquences juridiques et éthiques déterminantes ». Et d’ajouter : « Une certaine confusion règne souvent dans ce domaine, la notion d’avion piloté à distance disparaissant souvent au profit du fantasme d’un avion non piloté, autonome et donc par définition ‘déshumanisé’. »

Sur ce point, « s’il est vrai que les fonctions de vol des drones sont en grande partie automatisées », comme c’est d’ailleurs le cas dans l’aviation civile, « le choix de la cible et du tir sont toujours effectués par un ou plusieurs opérateurs humains », rappellent les rapporteurs. « C’est cette notion de ‘l’homme dans la boucle’ qui justifie que le drone se voie finalement appliquer le même cadre juridique que les autres systèmes d’armes », insistent-ils.

En outre, cette confusion n’a pas lieu d’être avec les drones MALE actuels dans la mesure où les « systèmes d’arme létaux autonomes » (SALA), n’existent pas encore. Cependant, comme ils font « l’objet de recherches scientifiques et militaires », il viendra le moment où « des problèmes juridiques et éthiques d’une toute autre ampleur » finiront par se poser.

Dans leur rapport, les deux sénateurs alignent les arguments en faveur des drones MALE armés, qui ne sont qu’un « moyen aérien parmi d’autres. » Aussi, les conditions de leur emploi ne différent pas de celles d’un chasseur-bombardier, tant du point de vue opérationnel que juridique.

Cela étant, les avantages que présentent les drones de surveillance armés sont nombreux. Et le premier est l’amélioration de l’efficacité des forces sur le théâtre des opérations.

« Capitalisant sur la capacité de survol de longue durée du drone MALE Reaper en surveillance, l’emport de missiles ou de bombes guidées permettrait dans certains cas de ‘réduire la boucle’ entre le repérage d’un objectif ‘à haute valeur ajoutée’ et sa neutralisation, économisant la durée nécessaire pour l’arrivée de l »effecteur’ (l’avion de combat), durée qui peut être significative dans un théâtre d’opération de grandes dimensions (tel que la bande sahélo-saharienne) », expliquent les rapporteurs.

L’endurance d’un drone Reaper « lui permet en effet, dans la profondeur d’un théâtre d’opérations, d’attendre le dévoilement des cibles dissimulées et d’observer longuement l’environnement et le comportement de ces cibles », ajoutent-ils. Et cela rendrait possible de « traiter une cache d’armes au moment où des combattants y accèdent alors que ceux-ci auraient probablement le temps, s’il fallait attendre l’arrivée d’un avion, de se disperser ou de se déplacer vers une zone densément habitée, rendant toute frappe impossible en raison d’un risque de dommages collatéraux disproportionnése, font valoir les deux sénateurs.

Si ces quelques arguments sont déjà connus par ceux qui s’intéressent à ces questions, ils ne le sont pas forcément par les « néophytes ». D’où l’intérêt de ce rapport.

Par ailleurs, MM. Roger et Perrin estiment qu’ils serait « souhaitable de mettre en place des mesures de transparence afin de prévenir certaines critiques infondées, mesures désormais partiellement mises en oeuvre par les principaux pays utilisateurs de drones armés (États-Unis et Royaume-Uni) pour encadrer leur utilisation et garantir ainsi tant le soutien de la population du pays utilisateur que l’efficacité militaire à long terme de cette technologie. » Et de préciser : « Pour l’essentiel, il s’agirait de trouver un équilibre entre la transparence indispensable pour ne pas engendrer de la suspicion et des réactions disproportionnées et le secret permettant de préserver les intérêts nationaux. »

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