L’État islamique ouvre un nouveau front aux Philippines

Cela fait plusieurs années que le groupe jihadiste Abu Sayyaf fait parler de lui dans le sud de l’archipel des Philippines, précisément dans l’île de Mindanao. En 2002, afin d’aider Manille, les États-Unis envoyèrent des « conseillers militaires » auprès des forces armées du pays, aux moyens limités.

Mais, en dépit de quelques succès ponctuels, Abu Sayyaf ne put jamais être éradiqué. En 2014, le groupe jihadiste, dirigé par Isnilon Totoni Hapilon, changea même d’affiliation, abandonnant al-Qaïda pour l’État islamique. Et depuis, il continue ses opérations, notamment les actes de piraterie et les enlèvements d’Occidentaux, relâchés contre le paiement de rançons dans le meilleur des cas quand il ne sont pas assassinés.

En outre, un second groupe jihadiste philippin a récemment fait son apparition. Appelé « Maute » et basé près de Marawi, à quelques centaines de kilomètres au nord des positions d’Abu Sayyaf, ce mouvement est à l’origine de plusieurs affrontements meutriers avec les forces philippines au cours de ces derniers mois.

En janvier, l’armée bombarda une position du groupe Maute en croyant faire d’une pierre deux coups étant donné que la présence d’Isnilon Totoni Hapilon y avait été rapportée, le chef d’Abu Sayyaf souhaitant discuter d’un rapprochement entre les deux mouvements. Seulement, il en réchappa.

Le 22 mai, les forces de sécurité philippines ont lancé un raid contre une maison de Marawi où Isnilon Hapilon était censé se trouver. Et cela a provoqué la réaction immédiate des jihadistes locaux, une centaine d’entre eux ayant incendié des bâtiments officiels. Et des images montrant des hommes armés avec le drapeau de l’État islamique ont été diffusées sur les réseaux sociaux.

« Elles [les forces de sécurité, ndlr] prévoyaient d’arrêter Isnilon, elles ne savaient pas qu’il était appuyé par une centaine de combattants armés », a expliqué Delvin Lorenzana, le ministre philippin de la Défense.

La situation est très confuse. Des jihadistes se seraient retranchés dans des immeubles résidentiels et placé des bombes artisanales dans les rues. Des prises d’otage ont été signalées, notamment celle d’une quinzaine de catholiques qui assistaient à une messe dans la cathédrale de Marawi. Un hôpital a également été attaqué. Et un chef de la police a été capturé et décapité…

Depuis Moscou, où il était en visite officielle, le 23 mai, Rodrigo Duterte, le président philippin, a proclamé la loi martiale dans la province de Mindanao et demandé l’aide de la Russie pour combattre les jihadistes, via la livraison d’armes.

Après quatre jours de combat, Manille a donné un bilan faisant état de 46 tués. En outre, la présence de jihadistes étrangers a été signalées.

« Ce qui se passe à Mindanao, ce n’est plus une rébellion de citoyens philippins. Cela s’est métamorphosé en invasion de combattants étrangers », a déclaré, ce 26 mai, déclaré Jose Calida, le Solicitor General, un avocat chargé de représenter le gouvermenent dans toutes les affaires juridiques. « Des Malaisiens, des Indonésiens, des Singapouriens et d’autres jihadistes étrangers » prennent part aux combats, a-t-il assuré.

Ces combattants étrangers ont répondu à un « appel du clairon » lancé par l’EI pour fonder une « wilayat » du « califat » à Mindanao, a expliqué M. Calida. Les propos de ce dernier ont en partie été confirmés par le général Restituto Padilla, porte-parole de l’armée philippine. Selon lui, six jihadistes étrangers ont été tués lors des combats, dont « des Malaisiens et des Indonésiens ».

Justement, et alors que les combats venaient d’éclater à Mindanao, l’Indonésie, pays qui compte le plus de musulmans, a été le théâtre d’une attaque suicide, le 24 mai au soir. Trois policiers ont été tués près d’un terminal d’autobus de Jakarta. L’attentat a été vraisembablement été menée par le Jamaah Ansharut Daulah (JAD), un groupe ayant prêté allégeance à l’EI.

La crainte est de voir Daesh étendre son influence en Asie du Sud-Est. En août 2016, l’amiral Harry Harris, le chef du commandement américain pour le Pacifique (US PACOM), s’en était inquiété. « Je parle souvent du rééquilibrage stratégique des États-Unis dans cette région [Asie-Pacifique, ndlr]. Malheureusement, je crois que l’État islamique essaie aussi d’en faire de même. Pour arrêter la propagation cancéreuse de l’EI en Asie, nous ne pouvons pas travailler seul. Nous devons travailler ensemble », avait-il dit.

Photo : Soldats philippins lors d’un exercice

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